Le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) soupçonne l’entreprise Gazoduq de faire de l’« écoblanchiment » en prétendant que son gazoduc projeté entre l’Ontario et le Saguenay sera « carboneutre » et qu’il permettra de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre.

L’organisme estime que ces affirmations violent des dispositions de la Loi sur la concurrence et a porté plainte pour « informations fausses ou trompeuses » au Bureau de la concurrence du Canada pour qu’il fasse enquête.

Le projet Gazoduq prévoit la construction d’une conduite partant du nord de l’Ontario et traversant l’Abitibi, la Haute-Mauricie, le Lac-Saint-Jean et le Saguenay pour alimenter l’éventuelle usine de liquéfaction de gaz naturel Énergie Saguenay, de GNL Québec – les deux projets sont portés par la société en commandite Symbio Infrastructure.

« Selon nous, Gazoduq n’a pas démontré sa capacité à atteindre la carboneutralité par des preuves suffisantes et appropriées, ce que la loi exige », a expliqué la directrice générale du CQDE, Geneviève Paul, dans un entretien avec La Presse.

Il en va de même pour les prétentions portant sur la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre, dit-elle, en s’appuyant sur le rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) et sur la sortie d’un collectif de 350 scientifiques sur le projet Énergie Saguenay.

Ces prétentions peuvent être trompeuses pour les investisseurs et la population, ce qui les empêche de prendre des décisions éclairées, déplore l’organisme à but non lucratif voué à la protection de l’environnement.

Un projet comme ça peut avoir un impact sur tous les Québécois et les Québécoises, tout le monde a droit de savoir, d’avoir une information juste pour faire un choix éclairé sur un projet de société majeur comme celui-là.

Geneviève Paul, directrice générale du Centre québécois du droit de l’environnement

En vertu de la Loi sur la concurrence, une entreprise n’a pas le droit de prétendre des choses qu’elle ne peut prouver, explique Mme Paul, disant avoir de « sérieuses préoccupations » quant aux prétentions de Gazoduq.

« Ce n’est pas à nous de faire la démonstration que c’est faux, c’est à l’entreprise de s’assurer que c’est véridique avant de le dire », dit-elle, appelant le Bureau de la concurrence à faire la lumière sur la question.

Des rectifications publiques souhaitées

Si le Bureau de la concurrence en arrive à la conclusion que Gazoduq a effectivement fait des affirmations fausses ou trompeuses, le CQDE réclame des rectifications publiques de la part de l’entreprise, voire des amendes « suffisamment élevées pour qu’elles soient dissuasives ».

L’entreprise Gazoduq a répondu en insistant sur « son intention d’être carboneutre et de travailler à développer les solutions techniques pour y arriver », a déclaré à La Presse un porte-parole, Antoine Kack.

Le Bureau de la concurrence a déclaré ne pas pouvoir confirmer le déclenchement d’une enquête ni même le dépôt d’une plainte, « puisque la Loi sur la concurrence [l’oblige] à mener ses travaux de manière confidentielle », a indiqué dans un courriel à La Presse sa porte-parole, Maya Bugorski.

Dans le cas où une plainte mène à une enquête formelle, le Bureau de la concurrence peut, avec l’autorisation d’un tribunal, mener des perquisitions, saisir des dossiers ou interroger des témoins sous serment.

La Loi sur la concurrence prévoit que les infractions peuvent être punies par des amendes et même par des sanctions pénales.