Planter des arbres, c’est bien. Savoir s’ils résisteront aux changements climatiques, c’est mieux. Alors que la Ville de Montréal a planté le 7 juin le premier des 500 000 arbres prévus d’ici 2030, les données sur l’adaptation des forêts urbaines au réchauffement manquent à l’appel.

« Dans 20 ans, quand on va avoir le plus besoin des arbres, est-ce qu’ils vont être encore là ? », se questionne Meggy Legault, étudiante à la maîtrise en biologie à l’Université de Montréal. Elle est l’une des personnes chargées de l’étude Résilience des forêts urbaines du Canada aux stress thermiques et aux sécheresses, menée par l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Le projet de recherche arrive à un constat étonnant. Les arbres des trottoirs, qui sont déjà en position de stress, s’adaptent aussi bien aux variations de température, voire mieux, que ceux des parcs. « Avec ces résultats-là, on a compris qu’on ne les connaissait pas du tout, nos forêts urbaines », s’étonne Mme Legault.

« [Dans le cas des arbres de la forêt boréale], on est capable de prédire leur croissance, leur mortalité, leurs amours, leurs divorces, leurs mariages, énumère avec humour Alain Paquette, directeur de l’étude et titulaire de la nouvelle chaire de recherche sur la forêt urbaine de l’UQAM. Alors qu’on ne connaît à peu près rien des arbres qui nous entourent. » Le chercheur rappelle que 8 Canadiens sur 10 vivent en milieu urbain.

Diversifier pour mieux s’adapter

Ce manque de données est particulièrement criant alors que la Ville de Montréal vient d’annoncer avoir planté le premier de 500 000 arbres. Il s’agit d’un investissement de 25 millions de dollars pour l’année 2021 seulement.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Caroline Geoffrion, stagiaire en techniques de bioécologie du cégep de Saint-Laurent, Meggy Legault, étudiante à la maîtrise en biologie de l’Université de Montréal, et Alain Paquette, professeur de biologie et titulaire de la chaire de recherche sur la forêt urbaine de l’UQAM

« Ne rien faire en attendant d’avoir les connaissances, ce n’est pas une solution », estime M. Paquette. La meilleure façon de faire, selon lui : la diversification. Il y a six fois plus d’espèces à Montréal que dans les forêts aux alentours, mais trois espèces représentent encore plus de 50 % des arbres montréalais.

La Ville de Montréal reconnaît l’importance de cette diversité et prévoit planter 100 espèces différentes cette année, indique Marie-Lyne Arbour, conseillère en planification au Service des grands parcs, du mont Royal et des sports.

On ne peut pas savoir comment les arbres vont réagir [aux changements climatiques], on ne peut pas prévoir si certains ravageurs vont arriver, donc l’approche actuelle, c’est de diversifier au maximum.

Marie-Lyne Arbour, conseillère en planification au Service des grands parcs, du mont Royal et des sports

La Société de verdissement du Montréal métropolitain, partenaire du projet et responsable de planter 20 000 arbres cette année, planifie de son côté mettre 200 espèces en terre. « C’est la diversité qui est la meilleure solution, et la quantité aussi. Un arbre, il faut le planter tout de suite si on veut avoir des bénéfices dans plusieurs années », souligne la directrice générale, Malin Anagrius. « Tranquillement, on pourra se permettre de planter des arbres qui n’avaient pas de résistance [au froid] », ajoute-t-elle.

Sur le terrain de l’étude

Lors d’une journée de juin accablante, Meggy Legault et Caroline Geoffrion, stagiaire en techniques de bioécologie du cégep de Saint-Laurent, prélèvent des échantillons sur des frênes au parc Jarry, à Montréal. Après avoir bien noté la hauteur et le diamètre d’un arbre, elles en extraient une « carotte », c’est-à-dire un mince tube d’une vingtaine de centimètres sur lequel s’observent les « cernes » de croissance. « Même il y a cinq ans, on n’aurait pas eu le droit de faire ça », révèle Meggy Legault. La nécessité de comprendre les forêts urbaines est nouvelle pour les municipalités, explique-t-elle.

Les échantillons permettront d’étudier l’histoire des arbres au cours des 50 dernières années et de comparer les cercles de croissance lors des années plus ou moins chaudes. Dans cinq autres villes canadiennes, soit Québec, Hamilton, Winnipeg, Edmonton et Halifax, des étudiants d’universités affiliées font les mêmes procédés, grâce au financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Il s’agit, selon les chercheurs, d’une étude d’une envergure inégalée au Canada et peut-être dans le monde.