Le Canada pourrait réduire d’un peu plus d’un dixième ses émissions actuelles de gaz à effet de serre (GES) en optimisant simplement la contribution de ses vastes forêts, de ses prairies et de ses milieux humides selon un rapport signé par des dizaines de scientifiques.

Ces chercheurs qui proviennent d’universités, de gouvernements et de groupes écologistes affirment qu’une bonne partie de ces réductions pourraient être réalisées pour moins de 50 $ par tonne, soit moins que le prix fixé pour la taxe carbone l’an prochain.

« Les solutions climatiques naturelles sont des manières relativement rentables d’atténuer les émissions de gaz à effet de serre », mentionne la coordonnatrice de la recherche, Amanda Reed, qui a réalisé ce projet pour le compte de l’organisme Nature United, la branche canadienne du mouvement The Nature Conservancy.

Les pâturages, les tourbières et les forêts anciennes emmagasinent une énorme quantité de carbone, explique Mme Reed. Mais ces écosystèmes pourraient en emmagasiner encore plus si les Canadiens les exploitaient différemment.

D’après ce rapport, c’est l’agriculture qui offre les meilleures opportunités de réduction des émissions de GES.

Au rythme actuel, ce sont environ 2,5 millions d’hectares de pâturages qui seront convertis en cultures d’ici 2030. Les champs cultivés entraînent la libération du carbone emmagasiné dans le sol.

Si l’on empêche la conversion de prés en champs, on pourrait conserver 13 millions de tonnes de carbone dans le sol, d’après les calculs contenus dans le rapport. Une part d’environ 13 % de ces économies d’émissions de GES pourrait être obtenue pour moins de 50 $ la tonne.

Dans le cas des milieux humides, une interdiction de leur destruction permettrait d’éviter l’émission de 15 millions de tonnes supplémentaires. On estime qu’environ un cinquième de cet objectif pourrait être atteint pour moins de 50 $ la tonne.

La plantation de cultures couvre-sol pourrait permettre de séquestrer une autre tranche de 10 millions de tonnes sans avoir à limiter la capacité de production agricole, peut-on lire dans le rapport.

L’industrie forestière pourrait contribuer à son tour avec une économie de huit millions de tonnes de GES par année en protégeant les forêts anciennes, en améliorant la régénération et en s’assurant que les résidus forestiers soient transformés en produits utiles comme le charbon de biomasse, qui sert de fertilisant pour le sol plutôt que de combustible.

Ces économies de GES pourraient être obtenues tout en conservant le niveau d’exploitation des forêts à 90 % de son rythme actuel, précise le rapport d’expert. Plus de la moitié des gains serait réalisée à un coût inférieur à 50 $ la tonne.

Dans l’ensemble, le document recense 24 solutions naturelles sur lesquelles pourrait miser le Canada pour réduire ses émissions de GES de 78 millions de tonnes d’ici 2030. Cela représente 11 % de l’objectif total que s’est fixé le pays.

« Les solutions climatiques naturelles sont là et sont disponibles dès maintenant, fait remarquer Amanda Reed. On n’a pas à attendre l’arrivée de nouvelles technologies. »

Elle insiste cependant sur le fait que la nature ne peut pas tout faire seule. D’autres approches doivent être mises de l’avant comme la taxe sur le carbone et les normes sur les carburants propres.

« On a une énorme crise. On doit faire toutes ces choses. On doit avoir une large politique pour diminuer la consommation de carburants fossiles », mentionne la chercheuse.

Mme Reed note également qu’une meilleure exploitation des milieux naturels entraîne d’autres bienfaits comme de stimuler la biodiversité, de réduire les risques d’inondations et de protéger la ressource d’eau potable.

Le plus récent budget fédéral prévoit des investissements de quatre milliards de dollars dans les solutions climatiques naturelles.