Les conséquences des changements climatiques sur la santé des Canadiens seront considérables, conclut un rapport dévoilé mercredi par l’Institut canadien pour les choix climatiques. Maladies, hospitalisations et décès seront en forte hausse, en raison notamment de la mauvaise qualité de l’air et d’épisodes de chaleur de plus en plus fréquents. Pour éviter le pire, il faudra agir vite.

Un rapport coup de poing

« Les changements climatiques sont une menace non seulement pour l’environnement et l’économie, mais également pour la santé publique », souligne d’emblée le rapport de 78 pages de l’Institut canadien pour les choix climatiques (ICCC), organisme indépendant dont la mission est de guider « les choix climatiques qui attendent le Canada ». Or, ces « menaces » vont s’amplifier au cours des prochaines décennies, et le Canada et ses provinces ne sont pas prêts à y faire face, conclut-on. « C’est un rapport qui fait peur, même beaucoup peur », reconnaît Claudel Pétrin-Desrosiers, médecin de famille et présidente de l’Association québécoise des médecins en environnement (AQME). Elle estime aussi que le document aborde un enjeu trop souvent ignoré : l’adaptation aux changements climatiques en santé. « L’adaptation, c’est le parent pauvre. On n’y consacre que 0,3 % des investissements dans la lutte contre les changements climatiques. Parler d’adaptation, c’est comme un aveu d’échec. » Le rapport souligne également que ce sont les plus vulnérables au pays qui risquent d’être les plus durement touchés.

Des centaines de milliards en coûts supplémentaires

D’ici la fin du siècle, les coûts en soins de santé pourraient augmenter de plusieurs centaines de milliards de dollars annuellement en raison des changements climatiques, estime le rapport. Les auteurs ont établi leurs estimations pour trois axes : le déclin de la qualité de l’air, l’incidence croissante de la maladie de Lyme et les conséquences sanitaires des hausses de température. Par exemple, la hausse des températures provoquera une augmentation importante du smog urbain. Or, les coûts de santé liés à la hausse de concentration de l’ozone pourraient à eux seuls totaliser 246 milliards par année en 2100. « C’est un rapport très important, affirme la Dre Pétrin-Desrosiers. Les rapports sur les coûts sanitaires liés aux changements climatiques sont assez rares. Je souhaite que ça soit comme un électrochoc parce que ses multiples conséquences vont continuer d’augmenter. »

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

La Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, en 2018

Il fera chaud, très chaud, souvent

La hausse des températures est évidemment l’un des indices les plus concrets des changements climatiques. Et le climat canadien se réchauffe presque deux fois plus vite que celui de la planète, rappelle le document intitulé Les coûts des changements climatiques pour la santé : comment le Canada peut s’adapter, se préparer et sauver des vies. Entre 1948 et 2016, la température moyenne annuelle au pays a d’ailleurs augmenté de 1,7 degré. À Montréal, par exemple, il pourrait y avoir jusqu’à 92 journées par année où la température dépasse les 30 degrés d’ici 2100, selon le consortium Ouranos. Or, même selon un scénario d’émissions de gaz à effet de serre modérées, le taux d’hospitalisations liées à la chaleur devrait augmenter de 21 % d’ici 2050 et de 102 % d’ici la fin du siècle. Le rapport conclut par ailleurs que « ce sont l’Ontario et le Québec qui devraient être les plus touchés, d’abord parce que leur population est plus nombreuse, et ensuite parce que la hausse des températures sera particulièrement marquée dans les régions où vit la majeure partie de cette population ».

Des pistes de solution

Plusieurs recommandations sont proposées afin de limiter les conséquences des changements climatiques sur la population. Mais le Canada et les provinces doivent agir rapidement pour combler leur retard en matière d’adaptation, affirme-t-on. « Les décisions ne tiennent pas compte suffisamment de la complexité des risques et des répercussions des changements climatiques. Il s’agit d’un défi de gouvernance majeur qu’il faut relever, sans quoi le Canada s’en tiendra à une gestion décentralisée des symptômes, une approche vouée à l’échec. » La planification n’est effectivement pas au rendez-vous, constate la Dre Claudel Pétrin-Desrosiers. Pour illustrer son propos, elle rappelle qu’aucun expert du domaine de la santé ne siège au Comité consultatif sur les changements climatiques récemment formé par le gouvernement du Québec. Les gouvernements devront aussi montrer l’exemple, ajoute-t-elle. « Je suis toujours un peu agacée de voir qu’on met le poids de la transition sur les individus seulement pendant qu’on voit les gouvernements tergiverser pour des oléoducs ou des projets de gaz naturel. On doit prendre un véritable virage, ce ne sera pas seulement en disant aux gens de fermer leurs lumières le soir qu’on va y arriver. »

Consultez le rapport

3 millions

Selon le rapport, la maladie de Lyme serait la moins coûteuse des répercussions sur la santé avec des coûts d’environ 3 millions de dollars annuellement d’ici 2050.

8 %

Proportion des centres de santé au Canada situés dans des zones à risque d’inondation

14,9 milliards

Pertes annuelles estimées de productivité liées à la chaleur, d’ici 2100. L’Ontario et le Québec seront les provinces les plus touchées.