Une loi sur le climat injuste
Le 29 avril dernier, coup de théâtre dans la ville de Karlsruhe, siège de la magistrature : la Cour constitutionnelle allemande a statué que la loi sur le climat adoptée en 2019 ne prévoyait pas « d’exigences suffisantes pour la réduction ultérieure des émissions [de GES] à partir de 2031 ». Du même coup, les juges ont conclu que la loi portait préjudice aux jeunes. Les efforts pour faire face à l’urgence climatique reposeraient en effet sur les générations futures, qui devraient agir « de manière de plus en plus urgente et à brève échéance ». La plus haute cour allemande a aussi fait sienne une critique qui revient régulièrement face aux objectifs de réduction de GES des différents pays : comment y parviendra-t-on ? « La décision demande d’ailleurs que le gouvernement donne plus de détails sur les moyens qu’il va prendre [pour atteindre ses objectifs] », explique Geneviève Paul, avocate et directrice du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE), en entrevue avec La Presse. Le gouvernement allemand a maintenant jusqu’à la fin de l’année pour revoir sa loi.
De nouveaux objectifs pour l’Allemagne
Le gouvernement de la chancelière Angela Merkel n’a pas tardé à revoir à la hausse ses objectifs sur le climat. Six jours après la décision de la Cour constitutionnelle, Berlin a annoncé que son objectif de réduction des GES passait de 55 à 65 % d’ici 2030 et que le pays serait carboneutre en 2045, soit cinq ans plus tôt que prévu. Une annonce critiquée par la Fédération de l’industrie allemande, qui estime que ce nouvel objectif « accroît l’incertitude » pour les entreprises et fait peser des « risques incalculables » pour l’économie. L’industrie automobile tout comme l’institut économique Ifo critiquent aussi très sévèrement ce changement soudain d’objectif. Le président de l’Ifo, Clemens Fues, a qualifié la démarche gouvernementale de « surenchère ». « Je ne peux l’expliquer que par la campagne électorale. »

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La chancelière allemande Angela Merkel
Un scénario possible au Canada ?
Pour Geneviève Paul, du CQDE, un scénario semblable à celui de l’Allemagne pourrait se répéter au Canada. De jeunes Québécois attendent la décision de la Cour d’appel pour faire autoriser une demande d’action collective contre le gouvernement fédéral, auquel ils reprochent ses efforts insuffisants dans la lutte contre les changements climatiques. En Ontario, sept jeunes ont obtenu en novembre dernier la permission de poursuivre la province sur ses engagements climatiques. Selon Mme Paul, ces recours montrent l’échec des gouvernements à agir face aux changements climatiques, alors que les données sont disponibles depuis des décennies. « Ce n’est pas normal qu’on en soit rendus là, qu’on doive saisir les tribunaux pour forcer les gouvernements à protéger leurs populations », ajoute-t-elle.
Les Verts ont le vent dans les voiles

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Annalena Baerbock, coprésidente du Parti vert allemand
Si les élections n’ont lieu que dans cinq mois, la campagne électorale est en effet bien entamée en Allemagne. Et Angela Merkel, qui ne se représente pas, pourrait bien céder son poste de chancelière à Annalena Baerbock, 40 ans, coprésidente du Parti vert allemand. « Le [prochain] gouvernement sera peut-être dirigé par des Verts », souligne Frédéric Mérand, professeur de sciences politiques à l’Université de Montréal et spécialiste de l’Europe. Dans un récent sondage, les Verts étaient d’ailleurs en tête des intentions de vote, une tendance qui a été confirmée par d’autres coups de sonde de l’électorat. Mais même s’ils ne remportent pas la chancellerie, les Verts vont jouer un rôle important dans le prochain gouvernement, précise M. Mérand. « Aujourd’hui, ils sont une force politique réelle en Allemagne. Je n’entrevois aucun scénario où ils ne font pas partie du gouvernement. » Un gouvernement écologiste en Allemagne pourrait-il influencer des décisions à venir dans la lutte mondiale face à l’urgence climatique ? La suite est difficile à prévoir, mais un tel dénouement constituerait néanmoins une première au sein du G7, signale Frédéric Mérand.
6 jeunes, 33 pays
Six jeunes Portugais ont déposé une poursuite contre 33 pays européens devant la Cour des droits de l’homme pour contester leurs efforts jugés insuffisants dans la lutte contre les changements climatiques. Amnistie internationale a plaidé lundi devant la cour que la crise climatique n’avait pas de frontières. La Cour européenne des droits de l’homme doit notamment trancher si la cause doit se limiter ou non au Portugal.