(Québec) Le poste d’émissaire aux changements climatiques est un job payant, mais dont le mandat demeure toujours flou trois ans après sa création.

L’an dernier, ce poste unique en son genre, rémunéré à hauteur de 665 $ par jour et occupé par le biologiste bien connu Jean Lemire, a été modifié de manière à transcender les barrières entre l’écologie et l’économie.

La pandémie n’a rien fait pour clarifier les choses. En principe, lorsqu’il a été recruté en 2017 par l’ex-gouvernement Couillard, M. Lemire devait faire le tour du monde pour jouer un rôle d’ambassadeur chargé de vanter l’expertise québécoise en matière de lutte aux changements climatiques. Il devait nous représenter dans les congrès, colloques et grands forums internationaux.

Mais s’il a beaucoup voyagé les deux premières années, il n’a pas bougé du tout depuis le mois de février.

Entre-temps, le navigateur et militant écologiste cherche toujours à connaître la nature exacte du mandat modifié que le gouvernement Legault lui a confié, selon les informations obtenues par La Presse Canadienne.

L’automne dernier, le gouvernement Legault l’a maintenu dans ses fonctions, tout en y greffant un mandat économique de prospection d’investisseurs étrangers sensibles aux questions environnementales. Son titre, lui, n’a pas changé.

Le Plan pour une économie verte 2030, rendu public par le gouvernement lundi, étale sur 116 pages la stratégie privilégiée pour lutter contre les changements climatiques, mais ne réserve pas une seule ligne à la contribution de l’émissaire.

Seulement deux réunions

Bien connu pour ses expéditions très médiatisées à bord du voilier Sedna IV, M. Lemire doit diriger une équipe interministérielle, regroupant des représentants des ministères de l’Environnement, de l’Énergie et des Ressources, des Forêts, des Relations internationales et d’Investissement Québec.

Le comité ne s’est réuni qu’à deux reprises jusqu’à maintenant, la première fois en juin, la seconde en octobre, d’après les informations obtenues.

M. Lemire a refusé toute demande d’entrevue sur la nature de ses fonctions, prétextant que son mandat était toujours en révision.

La ministre des Relations internationales, Nadine Girault, n’a pas voulu commenter non plus. Une porte-parole du ministère a indiqué mardi que « l’ajout à ses fonctions ne commande pas une révision de son mandat ».

Impossible donc de savoir comment ce militant écologiste arrime ses convictions environnementales avec son nouveau mandat de développement économique. Tout aussi impossible de savoir comment il conjugue avec son rôle de globe-trotter en temps de pandémie.

Sur le plan administratif, M. Lemire relève du ministère des Relations internationales, même si sa mission est davantage de nature environnementale et, plus récemment, économique.

Un demi-million

Le flou qui entoure son mandat se dissipe un peu quand on examine ses conditions de rémunération.

En trois ans, M. Lemire a empoché plus d’un demi-million de dollars sous forme de rémunération, selon les chiffres fournis par le ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF).

Preuve qu’il n’a pas chômé durant les deux premières années de son mandat, il a de plus réclamé pour plus de 100 000 $ de remboursement de dépenses.

En trois ans, M. Lemire a encaissé 516 329 $, sous forme de rémunération pour ses missions à l’étranger, soit environ 172 000 $ par an.

Toutes ces missions autour du monde ont entraîné des remboursements de dépenses à M. Lemire de l’ordre de 103 134 $, pour la période 2017-2019.

Pour la dernière année, on parle de remboursements plus modestes de 17 0308 $ reliés à ses quatre missions d’une durée totale d’environ 26 jours, incluant 5224 $ de repas et 1722 $ pour ses « petites dépenses ».

Malgré une demande d’accès à l’information, le MRIF a refusé de fournir les documents qu’il possède sur le nouveau mandat confié à l’émissaire, son statut exact et ses conditions de travail.

Le ministère n’a pas voulu davantage fournir d’évaluation du poste occupé par M. Lemire depuis trois ans, afin d’avoir une idée de la pertinence du rôle d’émissaire, une situation unique dans toute la fonction publique québécoise.

48 missions en 2 ans

Au cours des deux premières années dans son rôle d’émissaire, soit de septembre 2017 à septembre 2019, l’auteur de « L’odyssée des illusions » a été fort actif, effectuant au total 48 missions à l’étranger au nom du gouvernement du Québec, séjournant dans 14 pays et 19 villes. L’année suivante, marquée par la pandémie à compter du mois de mars, le rythme a beaucoup ralenti : il n’en a fait que quatre.

De 2017 à 2019, l’émissaire a parcouru le globe en participant à divers évènements reliés aux questions climatiques tenus à New York, Paris, Rome, Londres, San Francisco, Medford, Reykjavik, Heidelberg, Bonn, Bruxelles, Tromso, Trondheim, Delhi, Sharm-El Sheik, Dakar, Nairobi, Ranka, Katowice et Cambridge.

De 2019 à 2020, la tournée a été plus modeste avec seulement deux missions en Islande, une en Espagne et une autre en Italie. Aucune ne figure à son agenda depuis la fin février, pandémie oblige. Dans chaque cas, l’évènement portait uniquement sur les changements climatiques.