L’érable de Norvège, une espèce exotique envahissante, se propage très rapidement dans les villes au détriment d’autres espèces indigènes, notamment l’érable à sucre, notre emblème national.

L’érable de Norvège est connu comme une espèce exotique envahissante. Dans la métropole, cette espèce est interdite sur le territoire du site patrimonial du Mont-Royal depuis 2015, afin de limiter sa présence dans le parc du Mont-Royal. « Il faut limiter sa présence aux milieux urbains et contrôler sa présence près des milieux naturels à cause de son potentiel envahissant », affirme Linda Boutin, relationniste à la Ville de Montréal.

Mme Boutin explique qu’à Montréal, l’érable de Norvège ne peut être planté dans un emplacement situé à moins de 100 mètres d’un milieu naturel protégé ou en voie de l’être ou d’un parc local comprenant des milieux naturels d’intérêt. Bien que certains États américains l’aient complètement banni, la Ville de Montréal ne compte pas le faire, en raison des nombreuses qualités de l’espèce.

Un arbre urbain

En effet, l’érable de Norvège est très bien adapté à notre climat et à la vie urbaine. « Il tolère très bien les conditions assez extrêmes des villes, notamment la pollution, le sel et les sols très compacts », explique Christian Messier, professeur d’écologie forestière à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université du Québec en Outaouais. Il contribue ainsi largement à rendre les forêts urbaines plus résilientes, entre autres face aux changements climatiques, ajoute Mme Boutin.

Depuis quelques années, les spécialistes observent que l’érable de Norvège tolère très bien l’ombre, ce qui lui permet de s’établir dans les sous-bois.

« Dans le parc du Mont-Royal, les érables de Norvège commencent à dominer les petits érables à sucre qui s’établissaient là », mentionne M. Messier. On a commencé à reconnaître qu’un jour, dans le parc du Mont-Royal, qui est un parc d’érables à sucre, ceux-ci pourraient être remplacés par des érables de Norvège, dit-il.

L’importance de la diversité écologique

Selon Christian Messier, la Ville devrait bannir l’érable de Norvège de régions ou d’arrondissements où il y en a trop. « Lorsqu’on est en haut de 5 à 10 % d’une espèce, on ne devrait plus la planter. » À l’heure actuelle, environ 17 % des arbres de la métropole seraient des érables de Norvège, explique le professeur, ce qui est beaucoup trop.

Il est important de créer une diversité d’espèces pour diminuer les risques d’avoir des pertes importantes causées par une sécheresse, une maladie ou un insecte.

M. Messier explique qu’à l’époque, la Ville avait tendance à planter une seule espèce par rue. « On a vu, les dernières années, des rues perdre de 80 à 90 % de leurs arbres à cause de l’agrile du frêne », se désole-t-il.

Cette perte d’arbres importante peut entraîner des îlots de chaleur, une moins grande filtration de l’air et un impact sur la santé mentale des résidants. « C’est très reconnu que chez les gens qui vivent dans un quartier avec plus d’arbres et de plantes, il y a moins de stress, il y a moins de dépressions et les gens vont être plus heureux », dit M. Messier. Il ajoute que des études montrent que lorsqu’on est hospitalisé, si la fenêtre de la chambre où l'on se trouve donne sur un arbre, on va récupérer jusqu’à 20 % plus rapidement que si la fenêtre donnait sur un mur de brique.

Distinguer l’érable de Norvège de l’érable à sucre

Pour le commun des mortels, il est très difficile de distinguer l’érable de Norvège de l’érable à sucre. M. Messier indique que si on casse la tige d’une feuille d’érable de Norvège, sa sève sera blanche, contrairement à la sève des érables à sucre, qui est claire. Dans les dernières années, l’érable de Norvège a également été atteint par un champignon qui causait des cercles noirs sur les feuilles appelés tâches goudronnées.

PHOTO FOURNIE PAR CHRISTIAN MESSIER

Christian Messier, professeur d’écologie forestière à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université du Québec en Outaouais

« C’est un champignon qui attaque très peu les érables à sucre, mais beaucoup les érables de Norvège », mentionne M. Messier. Ces deux espèces deviennent toutefois beaucoup plus faciles à distinguer l’automne, puisque l’érable à sucre a des feuilles de couleur orangée, tandis que l’érable de Norvège a des feuilles jaunes.

Remplacer l’érable de Norvège

Il y a énormément d’espèces qui pourraient remplacer l’érable de Norvège à Montréal, soutient M. Messier. « L’érable rouge serait une bonne alternative, mentionne le professeur. Il est assez bien adapté au milieu urbain. » Il ajoute que le chêne et le charme de Caroline sont également deux espèces qui tolèrent bien la sécheresse, ce qui pourrait être avantageux avec les changements climatiques et les étés de plus en plus secs.