(Québec) Il suscite la convoitise et le respect de bien des pêcheurs. Il fait la renommée de plusieurs rivières. Mais la situation du saumon atlantique continue d’être délicate en Amérique du Nord, conclut un rapport publié jeudi, qui relève un « déclin générationnel » chez plusieurs populations.

« Le pauvre saumon continue à faire face aux activités humaines », résume Charles Cusson, directeur des programmes au Québec de la Fédération du saumon atlantique (FSA).

Le rapport de la FSA s’intéresse aux retours des saumons sauvages. Ces poissons, c’est bien connu, ont un destin périlleux. Après trois ans, ils quittent le berceau – leur rivière d’origine – pour l’océan. Mais ils n’oublieront jamais la maison. C’est dans cette rivière qu’ils reviendront ensuite frayer.

Or, ils sont de moins en moins nombreux à rentrer au bercail. Environ 104 000 grands saumons, qui ont passé deux hivers ou plus en mer et mesurent souvent plus de 63 cm, sont retournés dans les rivières nord-américaines en 2019. Parmi les pires bilans à cet égard en 49 ans, celui-ci vient au troisième rang.

Quant aux madeleineaux, c’est-à-dire les saumons de retour après leur premier hiver en mer, ils étaient 332 100 – au huitième rang parmi les pires bilans en 49 ans.

Ce qui nous inquiète le plus en ce moment, c’est que dans les trois dernières années, on constate un déclin marqué de la présence des madeleineaux.

Charles Cusson, directeur des programmes au Québec de la Fédération du saumon atlantique

Un déclin du nombre de madeleineaux peut laisser entrevoir une baisse du nombre de grands saumons dans les années à venir.

« C’est un phénomène observé au Québec et dans les provinces maritimes également », note M. Cusson.

La FSA montre du doigt l’activité humaine : la présence de barrages, de certaines activités forestières et la dégradation plus générale de l’habitat dans les rivières.

Mais l’aquaculture a aussi un rôle à jouer, selon la FSA. Les élevages de saumons sont souvent infestés par le pou de mer. Les saumons sauvages qui passent près de ces élevages dans le cadre de leur migration peuvent à leur tour être attaqués par les poux. Les plus jeunes ont du mal à survivre. Ce phénomène a notamment été documenté dans les travaux de Martin Krkosek, de l’Université de Toronto.

« L’industrie continue d’augmenter sa présence sur la côte est du Canada. Cette production affecte les saumons sauvages en migration vers la rivière pour aller se reproduire ou les saumoneaux qui font leur première migration vers la mer », dit M. Cusson.

Le Québec fait mieux

Mais dans ce sombre portrait, le Québec se tire mieux d’affaire. « Les rivières du Québec se maintiennent assez bien », explique Charles Cusson.

Le Québec a quelques atouts dans son jeu, note Myriam Bergeron, directrice générale de la Fédération québécoise pour le saumon atlantique (FQSA). Elle souligne notamment la mise en place en 2016 d’un plan de gestion du saumon atlantique qui a permis de mieux encadrer la pêche sportive.

« Il y a aussi un engouement pour la remise à l’eau au Québec. Il y a des gens au Québec qui ne pêchent qu’en remise à l’eau, et on a vu des effets bénéfiques de ce phénomène, par exemple, sur la rivière Matane », note Mme Bergeron.

Par ailleurs, le Québec suit la situation de ses rivières à saumon de près. Par exemple, les populations sont dénombrées dans 70 rivières à saumon au Canada, et 35 d’entre elles sont au Québec.

Malgré cela, la situation reste préoccupante ici aussi. Au Québec, sur 37 rivières à saumon, 24 étaient en deçà du seuil de conservation, note le rapport de la FSA.

Les experts se demandent si le saumon sauvage du Québec va connaître un destin semblable à celui du saumon sauvage du Nouveau-Brunswick ou du Maine, État où la pêche sportive a carrément été interdite.

« C’est sûr qu’on se demande si ce qu’on voit plus au sud sera la réalité ici dans 20 ans, explique Myriam Bergeron. Ça nous préoccupe, même si on pense avoir les outils ici pour éviter un déclin aussi prononcé. »