Un gazon plus résistant à la sécheresse et bon pour les insectes pollinisateurs ? C’est possible, à condition de l’aimer long. Très long.

Couper le gazon deux fois par année plutôt que six fois diminue la quantité d’herbe à poux et de vers blancs, le rend plus résistant à la sécheresse et augmente le nombre de pollinisateurs comme les abeilles. Telle est la conclusion d’une étude publiée en mai dans le Journal of Applied Ecology par des chercheurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

PHOTO FOURNIE PAR RAPHAËL PROULX

Le gazon est parsemé de longues tiges d’un mètre de haut, des espèces de graminées à croissance plus rapide, même si la longueur moyenne du gazon est plus faible, de l’ordre du demi-mètre ou moins.

« Un gazon plus haut diminue le pic démographique des larves de coléoptères, les vers blancs, qui mangent les racines des graminées », explique Raphaël Proulx, de l’UQTR, qui avait par le passé étudié concrètement cette approche à Trois-Rivières en 2018 avec deux étudiants, Léonie Carignan-Guillemette et Christopher Watson. Au Canada anglais, un mouvement « pas de tonte en mai » est né sur la base de ce concept, qui est validé par la méta-analyse de M. Proulx.

L’idée de tondre moins souvent le gazon pour le rendre plus vigoureux est venue à M. Proulx en 2013. « L’été 2012 avait été très sec, parfois de 60 % à 70 % du gazon était mort. Tout partait, il ne restait que le sable. Je me suis demandé l’impact dans ces circonstances d’un gazon plus court, qui généralement comporte moins d’espèces que du gazon plus long. »

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L’été 2012 avait été très sec, parfois de 60 % à 70 % du gazon était mort. Tout partait, il ne restait que le sable.

Un mètre

Cette approche n’est pas pour tous les goûts : le gazon est parsemé de longues tiges d’un mètre de haut, des espèces de graminées à croissance plus rapide, même si la longueur moyenne du gazon est plus faible, de l’ordre du demi-mètre ou moins.

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Raphaël Proulx, de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

S’abstenir de couper les parties aériennes des graminées assure une température plus fraîche au sol. Ça assure une meilleure santé de l’herbe et une plus grande diversité, ce qui favorise la résistance à la sécheresse et la diversité des pollinisateurs.

Raphaël Proulx

« Et les vers blancs aiment moins l’ombre et l’humidité. Ils aiment aussi certaines graminées plutôt que d’autres, alors la diversité aide à les contrôler », ajoute M. Proulx.

Les vers blancs affaiblissent encore davantage le gazon en broutant les racines.

Ne peut-il pas y avoir un problème avec les règlements municipaux régissant la hauteur du gazon ? « Selon ce que je comprends, la majorité des villes ont de tels règlements, mais il y a une certaine tolérance. On nous a expliqué que si ça ressemble à un aménagement, ce n’est pas un problème. On ne veut pas le laisser-aller. Mais il se peut que des changements réglementaires soient nécessaires. »

Un changement esthétique plus global dans la société sera cependant nécessaire. « En Europe, chacun balaie le trottoir devant chez lui, ici, on a un gazon bien tenu, c’est une question d’habitude. La tonte fréquente a une forte connotation culturelle. Moi-même, j’ai laissé pousser mon gazon un été il y a quelques années. Je n’ai pas eu de plainte, mais mes voisins m’en parlent encore. On a l’idéal du jardin anglais, avec la coupe brin par brin à la serpe comme dans Astérix. L’Amérique du Nord a été transformée par cette trame verte de l’urbanisme. »

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Un gazon plus haut diminue le pic démographique des larves de coléoptères, les vers blancs, qui mangent les racines des graminées.

Est-ce que laisser pousser son gazon moins haut, disons à 10 ou 15 cm, est utile ? « Pour les pollinisateurs, il faut des fleurs développées, qui apparaissent après plusieurs semaines, dit M. Proulx. Donc on n’a pas les bénéfices pour les pollinisateurs. Et pour l’herbe à poux, un couvert plus dense empêche les rayons du soleil d’atteindre le sol. L’herbe à poux pousse du collet et ne compétitionne pas bien contre les graminées de plus grande taille. Ça peut servir par contre pour les vers blancs. Une plante, ce n’est pas très compliqué, pour faire de bonnes racines, elle a besoin de parties aériennes. Sinon, on épuise les structures racinaires, qui résistent moins aux vers blancs. »

36 %
Économies d’arrosage et de contrôle des vers blancs possibles en coupant le gazon deux fois durant l’été plutôt que six fois
Source : Journal of Applied Ecology