Avant la pandémie de COVID-19, le chiffre d’affaires d’Effenco triplait d’année en année. Mais son président est confiant : « La relance va passer par les technologies vertes, dit David Arsenault. On va sortir grandis de cette crise. C’est une opportunité, je suis rassuré. »

L’entreprise, qu’il a cofondée avec deux autres ingénieurs de l’École de technologie supérieure (ETS), commercialise un système hybride électrique qui réduit les émissions de gaz à effet de serre (GES) des véhicules lourds, comme les bétonnières, les autobus ou les camions à ordures ménagères.

Comment ça marche ? À l’arrêt, le moteur à essence est coupé, et le moteur électrique prend le relais pour faire fonctionner les accessoires et les équipements à bord, dont le lève-bacs.

En général, ces véhicules sont immobiles de 40 % à 50 % du temps. Un camion à ordures, par exemple, peut redémarrer 1000 fois par jour avec un arrêt moyen de 30 secondes.

Outre une baisse considérable du bruit, les véhicules ainsi équipés sont bien plus écolos. La consommation de carburant est réduite de 30 %, tout comme les émissions de particules fines et d’oxyde d’azote.

L’ambition d’Effenco est d’augmenter l’efficacité énergétique des camions lourds à un prix abordable.

Ce système est en effet beaucoup moins cher que l’électrification totale des camions. Le modèle de base coûte 40 000 $ par camion et bénéficie d’une subvention gouvernementale de 50 % dans le cadre du programme Écocamionnage. Il devient rentable entre 18 mois et 3 ans après l’installation, en fonction de l’utilisation, assure M. Arsenault.

On peut électrifier un véhicule à 100 %, mais le défi, c’est de rendre la technologie viable économiquement. Nous, on propose d’électrifier le véhicule à 100 % quand les équipements à bord sont utilisés.

David Arsenault

Effenco a développé un système de condensateurs qui emmagasine de l’énergie. Cette solution offre le meilleur rendement entre la somme investie et la diminution du CO2, souligne M. Arsenault.

« On arrive à 100 $ la tonne d’économie de CO2 sur la durée de vie du produit ; 100 % électrique, c’est 800 $ la tonne. »

Le Québec sur pause

Avant la mise du Québec sur pause et la fermeture de toutes les entreprises non essentielles, ordonnées par le premier ministre Legault, Effenco connaissait une croissance rapide : 250 véhicules sur les routes, des centaines d’autres dans le carnet de commandes.

« On en installe 10 par jour dans le monde depuis six mois », nous disait M. Arsenault, qui vise encore aujourd’hui la vente de 5000 unités par année d’ici trois ans.

« La bonne nouvelle, c’est qu’on ne va pas perdre de commandes. Ça va juste être décalé dans le temps. »

En février, l’entreprise a décroché un important contrat de 1,3 million de dollars pour convertir les moteurs à essence de 22 camions de terminaux du Port de Los Angeles en moteurs hybrides. Sa technologie a du même coup été reconnue par le Technology Advancement Program (TAP) et la Harbor Community Benefit Foundation (HCBF), qui finance le projet.

Le TAP vise la réduction des GES, tandis que la HCBF investit dans la qualité de vie des gens touchés par les industries portuaires.

Ce contrat va permettre à Effenco de faire la démonstration de l’efficacité de sa technologie hybride électrique pour réduire les émissions et demeurer performant. Si tout se passe comme prévu, l’entreprise pourrait électrifier les 1800 camions de terminaux du Port de Los Angeles. « Ça fait des années qu’ils testent toutes les technologies. La solution n’est pas simple », précise le PDG.

Los Angeles n’est pas la seule ville à tester cette nouvelle technologie. Montréal le fait aussi, tout comme une dizaine d’autres métropoles dans le monde. Effenco compte au-delà de 40 clients, principalement en Europe (France, Norvège, Suisse et Italie), où elle réalise 95 % de ses ventes.

Derichebourg Environnement, une société française, a conclu un contrat de 3 millions de dollars avec la société québécoise pour équiper ses camions à ordures, dont 80 au Québec.

L’opérateur portuaire Termont a converti son parc de 57 camions tracteurs dans le port de Montréal, en octobre dernier.

Et la Ville de New York a passé une commande pour convertir les moteurs de 1100 camions lourds sur un horizon de trois ans.

Effenco discute aussi avec Vancouver, Rotterdam et Singapour.

Paris, avant-gardiste

Selon David Arsenault, Paris est l’endroit le plus avant-gardiste dans le monde en ce qui a trait à l’adoption de cette nouvelle technologie.

« Par contre, ici, on a l’appui du gouvernement. La meilleure place pour lancer une entreprise en électrification, c’est au Québec. Les sommes investies sont extraordinaires. »

Il faut dire que le terrain de jeu est vaste : il y a environ 2 millions de nouveaux camions lourds par année dans le monde, sans compter ceux qui sont déjà en circulation.

En raison de la crise de la COVID-19, Effenco a dû mettre temporairement à pied 5 de ses 60 employés. Mais la société prévoit doubler ses effectifs d’ici 2022. Elle a reçu un financement de 2,5 millions d’Investissement Québec, en septembre 2019, pour favoriser sa croissance.

Prochain marché : les autobus scolaires. « Il y en a 500 000 en Amérique du Nord, il y a de la place pour tout le monde », dit David Arsenault.