L’objectif d’Hydro-Québec d’être la batterie du Nord-Est américain est réalisable, suggère une étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT), mais pour que cela se produise, il doit y avoir suffisamment d’interconnexions à la frontière et la dynamique actuelle du marché doit changer.

Rédigé par trois chercheurs, le document de 66 pages récemment publié se penche sur le rôle que pourrait jouer l’hydroélectricité canadienne dans les efforts de réduction des gaz à effet de serre (GES) dans cette région des États-Unis au moment où Hydro-Québec est confrontée à de l’opposition au Maine dans le cadre d’un projet de ligne de transport qui doit passer dans cet État afin d’acheminer de l’énergie vers le Massachusetts.

« L’augmentation de la capacité de transport permet une plus grande utilisation des réservoirs hydroélectriques existants comme ressource d’équilibrage, souligne l’étude. Les nouvelles lignes réduisent également les coûts de décarbonisation. »

Mais pour y arriver, l’étude, dont les conclusions ont été accueillies favorablement par Hydro-Québec, prévient que l’énergie ne doit pas seulement être acheminée depuis le Québec vers le sud de la frontière, comme c’est essentiellement le cas actuellement.

Aux États-Unis, les surplus générés par la production solaire et éolienne — des sources intermittentes — devraient ainsi être importés par la province, ce qui laisserait du temps aux réservoirs d’Hydro-Québec de se remplir afin d’être en mesure de prendre le relais plus tard.

« Le rôle de l’hydroélectricité québécoise comme ressource de stockage suggère que la construction de lignes supplémentaires constitue un complément, plutôt qu’un substitut, au déploiement de l’énergie propre dans le Nord-Est », écrit-on.

L’an dernier, les exportations nettes de la société d’État ont totalisé 33,7 térawattheures, et plus de 70 % de ce volume a été acheminé vers la Nouvelle-Angleterre et New York.

Le scénario mis de l’avant par les chercheurs Emil Dimanchev, Joshua Hodge et John Parson survient alors que des États comme New York et le Maine souhaitent être alimentés par des sources à faibles émissions de GES d’ici 2050. Aux États-Unis, la production éolienne et solaire est en progression, puisque l’an dernier, dans l’État de New York, 400 mégawatts de plus ont été produits grâce au solaire et à l’éolien, alors que du côté de la Nouvelle-Angleterre, c’est 700 MW de plus.

Un obstacle

Selon l’étude, les infrastructures transfrontalières doivent être en mesure de transporter l’équivalent de 4 gigawatts d’énergie, ce qui représente environ quatre lignes de transport — des projets qui suscitent généralement de l’opposition.

L’an dernier, le Northern Pass, un des projets sur lesquels misait Hydro-Québec pour exporter de l’hydroélectricité dans la région de la Nouvelle-Angleterre, avait d’être débranché pour de bon par son promoteur américain Eversource. En 2018, la Commission d’examen du site au New Hampshire avait refusé d’octroyer un permis essentiel à la réalisation de cette ligne.

Pour sa part, le New England Clean Energy Connect, qui a déjà commencé à obtenir ses permis, pourrait faire l’objet d’un référendum en raison des démarches de certains groupes d’opposants.

Après l’échec du Northern Pass, Hydro-Québec s’est tournée vers ce projet dans le but d’acheminer annuellement 9,45 térawattheures d’hydroélectricité pendant 20 ans au Massachusetts dans le cadre d’un contrat d’environ 10 milliards US.

La société d’État a également les yeux sur un potentiel contrat d’envergure avec la Ville de New York. Si les deux parties s’entendent, l’hydroélectricité sera acheminée par la ligne Champlain Hudson Power Express, un projet qui dispose de toutes les autorisations nécessaires et réalisé avec Transmission Developers Inc.

De l’ouverture

Un porte-parole d’Hydro-Québec, Serge Abergel, s’est réjoui de voir une institution crédible comme le MIT plaider pour l’ajout de lignes de transport reliant le Québec ainsi que le Nord-Est américain.

Au cours d’un entretien téléphonique, celui-ci s’est également montré ouvert au scénario avancé dans l’étude selon lequel les surplus énergétiques générés au sud de la frontière pourraient être envoyés vers la province.

« Qui dit surplus d’énergie intermittente dit aussi prix très intéressants, a souligné M. Abergel, en faisant notamment référence à une fourchette d’entre trois et quatre cents le kilowattheure. Il y a une occasion pour nous de s’approvisionner à bas prix. En attendant, nos réservoirs se remplissent. Lorsqu’il n’y a pas de vent ou de (périodes d’ensoleillement), les prix remontent et c’est là que nous pouvons acheminer de l’hydroélectricité. »

Selon lui, cela permettrait à Hydro-Québec d’éviter « certains investissements » en matière de production tout en pouvant exporter au moment où les prix sont plus élevés sur les marchés.