L’agriculture va mal. Et la Terre va mal. 

Il y a péril environnemental en la demeure, au point que même Équiterre et l’Union des producteurs agricoles ont été capables de s’entendre pour demander publiquement, à l’unisson, tout récemment, « une fondation solide pour une transition résolue vers une agriculture durable tant sur le plan environnemental, social, qu’économique ». On l’a lu dans une lettre publiée ici même, la semaine dernière. 

Mais qu’entend-on venir de Québec, alors que la commission qui devait se pencher sur la question des pesticides depuis l’automne se prépare à remettre le fruit de ses travaux ?

Des échos de querelles partisanes et des accusations réciproques sur fond de fouillis politique totalement décourageant.

Au lieu d’arriver avec un document commun de tous les partis proposant des pistes à suivre et des actions concrètes à prendre, on a droit à des rapports séparés, de la bisbille sur des mots et une attitude générale d’affrontement. Au lieu de « recommander », on propose d’« observer » avant de changer d’idée encore, et au lieu de rallier les forces en faisant preuve de leadership, on ne « décolère pas ». 

Oui, libéraux, caquistes, solidaires, péquistes, je vous montre tous du doigt.

On regarde la triste fin de cet exercice lancé pour réfléchir sur la question des pesticides, dans la foulée de l’affaire Louis Robert – le lanceur d’alerte qui a notamment éveillé le public aux conflits d’intérêts minant l’indépendance des agronomes quand vient le temps de surveiller et d’encadrer l’utilisation de ces produits dangereux – et l’unique mot qui vient à l’esprit est : gâchis.

On dirait une scène du Petit Nicolas où tout le monde se tape dessus alors que la raison de la bisbille, elle, a été perdue de vue depuis longtemps.

À quoi auront servi les députés membres de la commission dans ce dossier ? On se le demande. Les témoins ont été utiles. Mais eux ?

Si les géants producteurs et vendeurs de pesticides avaient voulu neutraliser les travaux de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles chargée de la consultation sur les pesticides à l’automne dernier, ils n’auraient pas mieux fait.

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Pourtant, c’est un sujet tellement, tellement important qui méritait un traitement sérieux, non partisan justement.

Tous ceux qui ont été interpellés et qui sont allés témoigner devant la Commission, tant les chercheurs qui mesurent les impacts de ces produits synthétiques que les agronomes, agriculteurs, spécialistes en santé publique et autres producteurs, méritaient que leurs travaux soient lus, analysés, entendus. Et le public aussi, qui s’inquiète de la place des pesticides tant dans notre alimentation – oui, il y a des résidus – que dans l’air et l’eau, avait droit à de réels travaux et de réels efforts pour que des actions concrètes soient prises.

La moindre des choses, alors que les urgences environnementales nous tombent dessus de partout, aurait été de laisser tomber les divisions entre partis pour faire front commun comme le font tant d’autres groupes de la vie publique. 

Chers politiques : pensez-vous que les centaines de milliers de manifestants qui sont descendus dans la rue en septembre pour demander de l’action face à l’urgence climatique sont tous d’accord, sur tous les sujets, tout le temps ?

Deuh.

Parfois, quand l’heure est grave, on s’unit derrière un projet commun, et parfois, se quereller quand il est temps d’agir a l’air aussi, sinon plus ridicule que se taire ou faire la sourde oreille.

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Sur le fond, les recommandations du groupe commun formé par les libéraux et Québec solidaire avaient certains mérites. Dans leur rapport dissident ou parallèle, choisissez le mot que vous préférez, ça ne change rien, on demande des études épidémiologiques des effets des pesticides sur la population et d’autres recherches sur les effets des pesticides sur les professionnels. On parle aussi de la nécessité de financer l’achat d’équipements de protection et de faire de la formation pour les travailleurs agricoles sur les dangers des produits.

Mais il y a encore plus à demander pour faire avancer la recherche sur la solution de rechange aux pesticides. Réformer le code d’éthique des agronomes, comme le demande le rapport « parallèle » est un premier pas – actuellement, ils sont tellement liés aux sociétés qui produisent et vendent les pesticides qu’il est absurde de croire à un réel apport optimal de leur profession pour l’avancement des techniques naturelles et biologiques. 

Mais il faut faire encore plus de recherche pour comprendre les sources des problèmes nécessitant l’utilisation de pesticides. Et il faut aussi réformer les modèles agricoles afin, notamment, que les petites fermes, qui fonctionnent avec des techniques non industrielles, et plus facilement naturelles, deviennent une réelle solution de rechange logique aux grosses monocultures. Car celles-ci sont vulnérables si un problème attaque tout, tout d’un coup. Ceci les rend donc plus voraces en produits synthétiques. 

La Commission devrait savoir que s’il faut mieux gérer l’utilisation qui se fait encore de ces produits, il faut surtout planifier comment s’en débarrasser à moyen et long terme. 

Jeudi, le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, a dit, grosso modo, que même si la zizanie régnait au sein de la commission, lui tiendrait compte des témoignages entendus cet automne pour la rédaction du « Plan d’agriculture durable », qu’il doit présenter d’ici l’été.

Le croyez-vous ?

Une première étape pas mal plus convaincante aurait été de parler à ses collègues députés de la Commission pour qu’ils fassent leur travail avec ouverture et amorcent ainsi les réels changements en agriculture dont le Québec a désespérément besoin.