Le contenu de votre bac de recyclage sera-t-il ramassé si vous le mettez au bord de la rue ? Pour l’instant, oui ; le Groupe TIRU a accepté mardi de repousser la fin de ses activités au Québec, qui était prévue ce mercredi, afin de faciliter la transition dans la gestion des matières recyclables dont il était responsable.

Mais les déboires de la multinationale française auront des répercussions plus grandes que ce qui était anticipé jusqu’à maintenant, car TIRU fait plus que gérer 4 des 26 centres de tri du Québec ; elle assure également des dizaines de circuits de collecte des matières résiduelles, notamment à Montréal et à Longueuil.

Cinq municipalités régionales de comté (MRC) de la Montérégie totalisant 61 municipalités dépendent d’une filiale de TIRU pour la collecte des matières recyclables, ou organiques dans certains cas, selon une compilation de l’entreprise que La Presse a obtenue.

C’est également le cas d’une vingtaine d’autres villes de l’île de Montréal et de la Montérégie, ainsi que de certains arrondissements des villes de Montréal et de Longueuil.

Une compilation d’Éco Entreprises Québec (EEQ), l’organisme qui représente les entreprises fabriquant et vendant sur le marché québécois contenants, emballages et imprimés et qui finance la collecte sélective, brosse un portrait similaire.

Tout le système menacé

Dans de nombreuses localités, comme à Montréal et à Longueuil, le Groupe TIRU est donc responsable à la fois de la collecte et du tri des matières recyclables.

« C’est le service de collecte du Vieux-Longueuil qui est à risque dès mercredi matin, car celui-ci est desservi par une autre filiale de cette multinationale », s’inquiétait la mairesse de Longueuil Sylvie Parent à la séance du conseil d’agglomération, jeudi dernier.

C’est toute la chaîne du recyclage qui va débarquer.

 Sylvie Parent, mairesse de Longueuil

La mairesse Parent affirmait alors que la multinationale française avait évoqué la date du 29 janvier pour la fin de ses activités au Québec.

« Si TIRU confirme ses intentions, ce sont les bacs bleus de près de 170 000 foyers qui resteront au chemin », déplorait-elle.

Sollicité depuis lundi, le cabinet de la mairesse Parent n’avait pas répondu à La Presse au moment d’écrire ces lignes.

Montréal cherche des solutions

La Ville de Montréal s’affaire à éviter que la collecte des matières résiduelles soit perturbée lorsque TIRU mettra la clé sous la porte.

« C’est ce qu’ils nous ont dit ; s’ils cessent, c’est l’ensemble de leurs activités », a déclaré à La Presse Geneviève Jutras, attachée de presse de la mairesse Valérie Plante.

En plus de chercher un opérateur prêt à gérer ses deux centres de tri, la Ville de Montréal s’active donc à trouver une solution pour maintenir le service de collecte dans les arrondissements de Lachine, Rosemont et Ville-Marie.

« C’est un peu plus simple pour nous, car [ça ne touche] pas l’ensemble des arrondissements », explique Mme Jutras, qui évoque la possibilité que la cueillette soit effectuée par des employés municipaux.

Peu d’information dans les MRC

Les MRC jointes par La Presse disent avoir peu d’information concernant la cessation prochaine des activités de la multinationale française au Québec.

« Nous n’avons pas reçu l’information comme quoi Groupe TIRU allait fermer sa filière de collecte et transport », a répondu la porte-parole de la MRC de Vaudreuil-Soulanges, Marie-Ève Gingras-Gosselin.

« Nous agirons en temps et lieu », a-t-elle ajouté, précisant que les matières recyclables ne sont pas triées dans un établissement géré par TIRU, ce qui limitera les impacts.

À la MRC de Beauharnois-Salaberry, où TIRU fait la collecte des matières organiques, la directrice générale Linda Phaneuf a indiqué disposer de peu d’information, mais a prévenu que la situation aurait inévitablement des « conséquences financières ».

La MRC n’a pas encore entrepris des démarches pour trouver une solution à la disparition des camions de TIRU.

La MRC du Roussillon, où TIRU effectue de la collecte dans 11 municipalités, dit quant à elle travailler « à trouver des solutions pour assurer la continuité des services auprès de [ses] concitoyens », a indiqué sa porte-parole, Mélanie Cloutier.

Les MRC des Jardins-de-Napierville et du Haut-Richelieu, pour lesquelles TIRU effectue également de la collecte de matières résiduelles, n’ont pas rappelé La Presse.

Entente provisoire

L’entente intervenue in extremis entre TIRU et ses « partenaires » permettra d’« assurer la continuité des services aux citoyens jusqu’à ce qu’une entente définitive puisse être conclue », a indiqué dans un communiqué le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, mardi soir.

Québec n’a pas dévoilé la somme qui a été consentie au Groupe TIRU, une filiale de la multinationale française Électricité de France (EDF), détenue principalement par l’État français.

En plus des dizaines de circuits de collecte des matières résiduelles, le Groupe TIRU gère par l’entremise de ses filiales les activités des deux centres de tri de Montréal ainsi que de ceux de Saguenay et de Châteauguay.

Il était aussi responsable des activités du centre de tri de Longueuil, mais a mis fin à ses activités en novembre dernier.

TIRU attribue ses déboires à la difficulté de trouver preneur pour certaines matières, dont le papier, et à la chute draconienne de leur valeur.

En décembre, l’Inde a significativement restreint ses importations de papier mixte, emboîtant ainsi le pas à la Chine, qui avait fait de même il y a deux ans.

Cette crise dans l’industrie des matières recyclables survient à l’approche de l’annonce par le gouvernement québécois d’une réforme du système.

« En attendant, nous continuons de travailler afin de nous assurer que la période de transition suivant la fin des opérations de TIRU se fasse dans l’ordre », affirme dans le communiqué le ministre Benoit Charette.