Objectif carboneutralité pour 2050 au Canada. Plan vert de 6,7 milliards sur cinq ans au Québec. L’heure est à l’action pour faire face aux changements climatiques, mais les moyens choisis par les gouvernements sont parfois jugés peu efficaces ou insuffisants. Voici quelques exemples de mesures que Québec et Ottawa auraient pu adopter.

Le retour du train

PHOTO HUGO-SEBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le train pourrait nous aider à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Et pour cause : les émissions du secteur du transport de marchandises ont augmenté de 144 % de 1990 à 2018.

Le train pourrait nous aider à réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Et pour cause : les émissions du secteur du transport de marchandises ont augmenté de 144 % de 1990 à 2018. « Veut-on vraiment électrifier le parc de camions lourds qui s’est développé ces dernières années, ou plutôt repenser notre transport ? », lance Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal. Électrifier des trains serait beaucoup plus facile et aurait des bénéfices notamment sur la sécurité routière et l’entretien des routes, explique-t-il. « Ce qu’on veut, c’est une mobilité performante, dit M. Pineau. Électrifier des abus, c’est juste inefficace. »

Adopter un budget carbone

Comment s’assurer d’atteindre nos cibles de réduction de GES ? En les « budgétant », comme on le fait pour l’argent à dépenser. Un budget carbone établit les émissions autorisées pour chaque secteur de la société, permet une prévisibilité, un suivi et une reddition de comptes, explique Anne-Sophie Doré, avocate au Centre québécois du droit de l’environnement. Surtout, il devient une obligation légale pour les gouvernements qui se succèdent. « C’est de [la reddition de comptes] pure ! », s’exclame MDoré. La mesure a déjà fait ses preuves au Royaume-Uni, qui est « l’exemple parfait » d’une loi climat assortie d’un budget carbone, que le Parlement est d’ailleurs en train de réviser pour la rendre encore plus contraignante, poursuit-elle.

Bâtiments 80 % plus efficaces

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Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal

Faire en sorte que nos bâtiments commerciaux et institutionnels consomment 80 % moins d’énergie en 2050, comme l’Allemagne ambitionne de le faire, réduirait considérablement les émissions de GES de ce secteur, qui ont augmenté de 39 % entre 1990 et 2018. Comme pour une vieille maison, « ça ne sert à rien d’électrifier [son système de chauffage], il faut mieux l’isoler avant », illustre Pierre-Olivier Pineau, qui a fait partie d’un groupe de travail mis sur pied par Québec pour l’aider à préparer son Plan pour une économie verte 2030. Améliorer l’enveloppe thermique des bâtiments est « techniquement assez simple », stimulerait l’économie locale et régionale et libérerait « beaucoup d’électricité pour faire autre chose », explique-t-il.

Améliorer la gestion de l’eau

Un plan vert doit aussi prévoir des mesures d’adaptation aux conséquences des changements climatiques, affirme Christiane Pelchat, présidente-directrice générale de Réseau Environnement, regroupement de spécialistes en environnement. Des investissements considérables devraient par exemple être faits dans les usines d’assainissement et de traitement des eaux du Québec, qui accusent un déficit d’entretien de 17 milliards de dollars de l’aveu même du gouvernement, dit-elle. Face à l’augmentation de l’intensité des précipitations, les déversements d’eaux usées dans les cours d’eau sont appelés à se multiplier. « On a tellement d’eau à gérer qu’un moment donné, ça pète de partout, dit Mme Pelchat. Il faut la mettre quelque part, la traiter, et nos usines sont fatiguées. »

Pénaliser l’achat de véhicules énergivores

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Les mesures d’écofiscalité pour décourager l’achat de véhicules énergivores sont essentielles, croit l’organisme Équiterre.

Les mesures d’écofiscalité pour décourager l’achat de véhicules énergivores sont essentielles, croit Équiterre. « Un bon plan est un plan qui amène une transformation des habitudes », affirme Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales de l’organisation, qui fait partie des voix réclamant un système de redevance-remise. Contrairement aux subventions à l’achat de véhicules zéro émission, ce système « ne coûterait pas un sou aux contribuables » puisque la redevance imposée à l’achat de véhicules énergivores finance l’aide à l’achat de véhicules zéro émission. Afin de ne pas pénaliser ceux qui ont absolument besoin d’un gros véhicule, Équiterre propose que la redevance ne soit pas imposée aux gens qui travaillent dans la construction ou qui habitent sur des chemins de terre, par exemple.

10 milliards pour 100 000 « emplois nature »

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Greenpeace Canada suggère la création d’« emplois nature » afin de protéger et de restaurer nos écosystèmes, comme les tourbières et les zones humides.

Le Canada devrait prendre exemple sur la Nouvelle-Zélande et investir 10 milliards de dollars dans la création de 100 000 « emplois nature » afin de protéger et de restaurer nos écosystèmes, suggère Greenpeace Canada. Non seulement c’est l’une des voies suggérées par les experts pour lutter contre les changements climatiques, mais c’est aussi l’une des solutions « rentables », explique Olivier Kolmel, porte-parole de la campagne nature et alimentation de l’organisation. Les forêts, les tourbières, les zones humides, les zones côtières sont des « endroits excellents pour absorber le carbone dans le sol », dit-il, ajoutant que « la forêt boréale, c’est le bouclier climatique ».

Travailler moins

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ENvironnement JEUnesse propose de revoir les normes du travail pour faire passer la semaine de travail de 40 à 35 heures d’ici 2025, puis à 30 heures d’ici 2030 afin de libérer du temps pour faire autre chose et, surtout, « faire soi-même ».

Pour polluer moins, on pourrait travailler moins. C’est pourquoi ENvironnement JEUnesse propose de revoir les normes du travail pour faire passer la semaine de travail de 40 à 35 heures d’ici 2025, puis à 30 heures d’ici 2030. Cela permettrait de libérer du temps pour faire autre chose et, surtout, « faire soi-même », réparer plutôt que jeter, produire localement, moins manger sur le pouce, explique la directrice générale de l’organisation, Catherine Gauthier, qui a également fait partie d’un groupe de travail du gouvernement. La proposition s’inscrit dans une volonté plus large de sobriété, de lutte contre la surconsommation et d’incitation à l’implication citoyenne. « Pour lutter contre la crise climatique, il faut revoir nos infrastructures sociales », dit-elle.