La communauté innue du Québec se dit « extrêmement déçue » que le gouvernement Legault n’ait retenu aucun des territoires qu’elle proposait parmi les futures aires protégées annoncées jeudi, ce qu’elle considère comme un affront.

« On s’aperçoit avec la dernière annonce du gouvernement qu’on n’a pas été écoutés, encore une fois », a confié à La Presse Charles-Édouard Verreault, vice-chef de la communauté de Mashteuiatsh et représentant innu à l’assemblée des partenaires du Plan Nord.

Québec a annoncé jeudi l’atteinte de sa cible de protection de 17 % de son territoire avant la fin de 2020, essentiellement grâce à l’ajout de « réserves de territoire aux fins d’aire protégée » (RTFAP) au nord du 49parallèle, dont 23 à Eeyou Istchee Baie-James totalisant plus de 39 000 km2.

Mais « au sud, il n’y a rien de concret, rien de vraiment significatif », déplore Charles-Édouard Verreault, qui rappelle que les Innus sont de toutes les consultations depuis une vingtaine d’années pour proposer des aires protégées, notamment pour tenter de sauver le caribou forestier.

On avait ciblé les derniers grands massifs forestiers qui n’avaient pas encore été exploités, on s’attendait à ce qu’il y ait des annonces dans ce sens-là.

Charles-Édouard Verreault, représentant de la Nation innue

Non seulement cette mise à l’écart par Québec est perçue comme une « insulte » par les Innus, mais elle diminue aussi la valeur des protections décidées par Québec, affirme M. Verreault.

Si le gouvernement voulait réellement protéger la biodiversité au Québec, les aires protégées seraient réparties équitablement sur le territoire, assène-t-il, accusant l’industrie forestière de peser de tout son poids pour empêcher la création d’aires protégées au sud.

« Le gouvernement aurait pu annoncer une “aire protégée” pour l’industrie forestière », lance-t-il, sarcastique.

Reprenant son sérieux, il affirme qu’il faut désormais « mettre une croix sur le caribou forestier dans le sud du Québec ».

Deux poids, deux mesures

Les Innus se réjouissent de l’augmentation de la superficie d’aires protégées en territoires cri, inuit et naskapi, mais ils déplorent que Québec applique une règle de deux poids, deux mesures.

Les premiers sont signataires de la Convention de la Baie-James, alors que les Innus ne peuvent pas s’appuyer sur un tel traité pour faire des gains.

Leur mise à l’écart par Québec ne respecte pas le processus de création d’aires protégées innues ni les obligations constitutionnelles de consultation et d’accommodements, dénonce la communauté.

Pis encore, elle « contredit les fondements mêmes de la réconciliation entamée avec les peuples autochtones », accuse-t-elle.

C’est difficile de croire au discours de relation “de nation à nation” [du gouvernement québécois] quand on voit l’annonce de jeudi.

Charles-Édouard Verreault

Rattrapage nécessaire

Diverses organisations écologistes ont également souligné la carence en aires protégées dans le sud du Québec dans la foulée de l’annonce du gouvernement, jeudi.

La Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec) a appelé le gouvernement Legault « à effectuer un rattrapage d’ici la fin de son mandat », accusant au passage le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs et le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles d’avoir bloqué plusieurs projets d’aires protégées dans le sud de la province.

« La grande oubliée des annonces [de jeudi] est sans contredit la rivière Magpie, qui malgré des demandes répétées et un consensus du Conseil des Innus d’Ekuanitshit et de la MRC de la Minganie, ainsi qu’un fort appui régional, n’a pas été protégée en raison de l’opposition obstinée d’Hydro-Québec », affirmait l’organisation dans un communiqué.

La SNAP Québec, comme plusieurs autres organisations écologistes, appelle Québec à s’atteler dès maintenant à l’atteinte de la cible de 30 % d’aires protégées d’ici 2030 et de ne pas « attendre qu’il ne soit encore minuit moins une ».