Les incendies de forêt ont pris le relais de l’industrie comme source majeure d’émission dans l’air de certains produits chimiques cancérigènes, selon Environnement Canada.

La première évaluation nationale des composés aromatiques polycycliques en plus de 25 ans a révélé que l’air s’était amélioré autour des usines d’aluminium et d’acier. Mais avec l’apport des incendies de forêt et des véhicules automobiles, les concentrations moyennes sont demeurées à peu près à leur niveau des années 1990, selon la chercheuse fédérale Elisabeth Galarneau.

« Ces grandes sources ponctuelles industrielles ont été réduites à une très petite fraction du bilan total », dit-elle. « La plus grande source (restante), ce sont, de loin, les émissions naturelles des incendies de forêt. »

Les niveaux sont encore suffisamment élevés dans de nombreux endroits au pays pour dépasser les directives de santé publique, selon l’étude d’Environnement Canada.

Des composés aromatiques polycycliques sont produits par la combustion en général — les hydrocarbures, le bois, et même les cigarettes. Plusieurs de ces composés sont cancérigènes et sont considérés comme des polluants « prioritaires » par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA).

Peu de normes

Il n’existe pas de directives fédérales pour ces produits chimiques. Le Québec, l’Ontario et l’Alberta ont établi des niveaux « recommandés », mais selon Mme Galarneau, seuls ceux de l’Ontario tiennent compte des effets sur la santé humaine.

« La norme recommandée en Ontario est dépassée presque partout où nous avons mesuré au Canada », a-t-elle souligné. « Les dépassements dans certaines régions dépassent largement cet ordre de grandeur. »

L’ampleur et la gravité croissantes des incendies de forêt sont une des principales raisons pour lesquelles les niveaux n’ont pas changé malgré l’amélioration des émissions industrielles, a-t-elle affirmé. « Normalement, on aurait qualifié cela de catastrophe “naturelle”, mais maintenant, les incendies de forêt augmentent en fréquence et en gravité en raison du changement climatique. Il y a donc maintenant une composante liée à l’activité humaine. »

Des études ont démontré que le changement climatique contribue à des incendies plus importants et plus chauds, en asséchant les forêts et en prolongeant la saison des feux.

L’augmentation des sources de produits chimiques est aussi attribuable aux émissions des véhicules ainsi qu’au chauffage au bois résidentiel. Les contributions de ces sources varient considérablement d’un endroit à l’autre : les véhicules représentent moins de 10 % des émissions à l’échelle nationale, mais ils peuvent atteindre 50 % ou même plus à Toronto.

Mme Galarneau souligne que ses travaux n’ont porté que sur 16 composés différents — une liste qui remonte aux années 1970. Or, les scientifiques sont de plus en plus préoccupés par d’autres produits chimiques similaires qui ne figurent pas sur la liste, rappelle la chercheuse.

Et selon certains chercheurs, ces « nouveaux » composés sont non seulement cancérigènes, mais ils auraient aussi des effets sur les poumons et le foie. « Nous en savons moins que pour les 16 (de la liste), mais il existe un ensemble de preuves qui se multiplient et identifient les effets toxiques qui leur sont associés », a souligné Mme Galarneau.

Cette étude est la quatrième d’une série de publications récentes sur la qualité de l’air au Canada. Deux autres sont attendues et un rapport de synthèse final doit être publié dans les mois à venir.