Le 12 décembre 2015 était adopté l’accord de Paris au terme de la COP21 (21conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques). Cet accord, signé par 194 pays et par l’Union européenne, vise à limiter le réchauffement climatique « nettement en dessous de 2 °C », idéalement à 1,5 °C. Qu’en est-il après cinq ans ?

L’accord de Paris est-il utile ?

Si la photo des chefs d’État levant les bras dans une attitude triomphale a fait le tour du monde, l’accord a été critiqué dès son adoption pour son absence de cibles contraignantes. Le professeur Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, est toujours de cet avis. « Climatiquement parlant, c’est un échec, juge M. Pineau. C’est un accord de vœux pieux de pays qui n’ont pas réussi à s’entendre sur un mécanisme contraignant et ferme, alors ils se sont entendus sur un mécanisme non contraignant et non ferme. »

Dans le contexte où se trouvait alors la gouvernance mondiale du climat, après les échecs de Kyoto et de Copenhague, « c’était une avancée considérable », rappelle toutefois Annie Chaloux, professeure à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke et directrice de la revue de vulgarisation scientifique Le Climatoscope. « C’est un accord qui n’est pas parfait, mais qui est intéressant dans sa structure parce qu’il oblige les pays à toujours retourner à la table à dessin pour montrer plus d’ambition. » L’accord prévoit en effet que tous les cinq ans, les États doivent présenter de nouvelles « contributions déterminées au niveau national » (CDN). La COP26 prévue à Glasgow en novembre 2020 ayant été reportée à l'an prochain, les États ont jusqu’en 2021 pour annoncer leurs contributions.

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Le climat s’est-il amélioré depuis l’accord de Paris ?

Pas vraiment, constate le Rapport 2020 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions, publié mercredi par le Programme des Nations unies pour l’environnement.

Avec la pandémie, on s’attend à ce que les émissions de dioxyde de carbone (CO2) diminuent d’environ 7 % en 2020, mais la réduction totale des GES ne sera pas aussi importante, car les émissions d’autres gaz, comme le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O), ont probablement été moins affectées. La tendance de fond, c’est que les émissions mondiales de GES ont augmenté en 2019, que les émissions de CO2 issues des énergies fossiles ont probablement atteint un nouveau record cette année-là et que les concentrations atmosphériques des principaux GES (CO2, méthane, protoxyde d’azote) ont continué d’augmenter depuis, prévient le rapport.

Avec les contributions que les États avaient mises sur la table au moment de ce rapport, « on se dirige toujours vers une augmentation des températures de plus de 3 °C au cours de ce siècle », souligne la directrice générale pour le Québec et l’Atlantique de la Fondation David Suzuki, Sabaa Khan.

Que peut-on faire de plus ?

« Ce qui donne quelque chose, ce sont des provinces et des États comme le Québec, la Californie, le Canada ou l’Union européenne qui ont dit : “Nous, on va se donner des objectifs, des moyens pour les réaliser et on va se contraindre à les atteindre” », indique Pierre-Olivier Pineau en donnant l’exemple des tarifications du carbone, qui couvrent actuellement 20 % des émissions mondiales. Le marché du carbone entre le Québec et la Californie devrait être mieux utilisé et mieux communiqué, mais « c’est un très bon outil », dit-il.

Le fait que plusieurs gouvernements, dont le Canada, se soient donné un objectif de carboneutralité d’ici 2050 est une tendance très encourageante, signale pour sa part la directrice québécoise de la Fondation David Suzuki.

Au moins 126 pays, responsables de 51 % des émissions mondiales de GES, ont déjà annoncé de tels objectifs ou en étudient la possibilité, rapportent les Nations unies.

« Mais on n’a aucune chance d’accomplir cet objectif si nos plans de relance post-pandémie ne sont pas principalement fondés sur des politiques et des programmes à faible intensité en carbone », plaide Mme Khan. Cela implique notamment de soutenir les technologies et infrastructures « zéro émission », de réduire les subventions aux combustibles fossiles et d’investir dans des infrastructures naturelles, comme des arbres ou des parcs.

Que se passera-t-il avec les États-Unis ?

Le retrait américain de l’accord de Paris, annoncé par Donald Trump en 2017 et entré en vigueur le 4 novembre dernier, sera de courte durée, puisque le président désigné Joe Biden a promis de réintégrer l’accord dès son entrée en fonction.

Cela dit, la sortie de Donald Trump était loin d’être généralisée. « Plusieurs États américains ont souscrit à des engagements similaires à ceux de l’accord de Paris, des villes l’ont fait, donc ça a de moins en moins d’impact sur ce qui se fait sur le territoire américain », note Annie Chaloux. « Là où ça a un impact, c’est sur le plan du financement et de l’appui moral que les États-Unis peuvent donner à d’autres États. »

L’émissaire spécial de Joe Biden sur le climat, l’ancien secrétaire d’État John Kerry, se dit déterminé à rétablir la crédibilité des États-Unis.

« Nous devons élever les ambitions de chaque pays dans le monde et notre tâche – la mienne en particulier – sera d’aider à négocier cela », a-t-il déclaré dans une entrevue accordée au réseau NPR mercredi.

John Kerry, qui avait signé l’accord de Paris avec sa petite-fille sur les genoux en avril 2016, a cependant reconnu que son pays avait une côte à remonter.

« Nous devons aborder ce défi avec une certaine humilité, et avec des efforts très significatifs pour montrer que nous sommes de retour et que nous sommes sérieux. »