Le coût des catastrophes naturelles a bondi de 1250 % depuis 50 ans au pays, essentiellement en raison du réchauffement de la planète. Et il ne s’agit que de la pointe de l’iceberg, prévient un rapport publié ce jeudi, qui recommande au Canada de faire de l’adaptation aux changements climatiques une « priorité nationale ».

Les catastrophes naturelles sont de plus en plus nombreuses, au Canada, et chacune d’elles est de plus en plus coûteuse, mais il ne s’agit là que d’un aperçu très incomplet des coûts engendrés par les changements climatiques, prévient dans un rapport l’Institut canadien pour des choix climatiques (ICCC).

Les changements climatiques sont la principale cause de cette augmentation toujours en cours, conclut l’organisation regroupant des experts indépendants qui a pour mission de conseiller les décideurs publics.

Le nombre de catastrophes naturelles est passé de 8 par année, au début de la décennie 1970, à 27 en 2016, tandis que le coût moyen de chaque catastrophe a bondi de 8,3 millions à 112 millions, en dollars constants, une augmentation de 1250 %, précise l’ICCC.

« Chaque évènement est, en moyenne, plus violent », résume Renaud Gignac, associé de recherche principal de l’Institut.

Entre 2010 et 2019, les sinistres assurés ont à eux seuls totalisé plus de 18 milliards de dollars au pays, mais ces coûts ne représentent que la pointe de l’iceberg, prévient l’ICCC.

« Une grande partie des coûts est mal quantifiée, mal mesurée », explique M. Gignac, évoquant les « changements lents » comme la fonte du pergélisol, la hausse du niveau de la mer, l’acidification des océans, par exemple.

Ces phénomènes pourraient entraîner un déclin des pêcheries, une réduction de la production hydroélectrique, des effondrements de bâtiments et de routes ou encore l’inondation permanente de zones de faible altitude, explique le rapport, citant des études menées en Europe et aux États-Unis. « Ce que les études tendent à démontrer, c’est que cette partie-là est beaucoup plus importante que les coûts actuels », explique Renaud Gignac.

Prévenir plutôt que guérir

Pour atténuer les impacts des changements climatiques et leurs coûts, il faut impérativement investir dans les mesures d’adaptation, affirme le rapport de l’ICCC, qui exhorte Ottawa à en faire une « priorité nationale ».

On mise beaucoup sur la réduction des GES, ce qui est essentiel, mais le parent pauvre de la lutte contre les changements climatiques, présentement, ce sont les mesures d’adaptation.

Renaud Gignac, associé de recherche principal de l’Institut canadien pour des choix climatiques

Il cite le Plan pour une économie verte du gouvernement québécois, présenté en novembre, qui consacre 384 millions de dollars à ce secteur sur un total de 6,7 milliards.

« C’est 6 % ! », s’exclame M. Gignac.

Pourtant, « ça coûte moins cher de prévenir que de guérir », dit-il, expliquant que des mesures d’adaptation bien conçues rapportent « beaucoup plus » que leur coût initial.

Il donne l’exemple des problèmes d’érosion côtière en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, qui risquent d’avoir des conséquences très coûteuses durant les 50 prochaines années.

« Il ne faut pas le voir comme des dépenses, mais plutôt comme des investissements », affirme M. Gignac.

C’est pourquoi l’ICCC recommande aux gouvernements et organismes de réglementation financière de prendre en compte les risques climatiques dans leurs décisions.

Il est inconcevable d’investir des sommes considérables dans des infrastructures importantes sans évaluer leur vulnérabilité face aux changements climatiques, souligne M. Gignac.

Même si on met en place la meilleure stratégie de réduction de nos émissions [de gaz à effet de serre (GES)], on va quand même subir un certain nombre d’impacts.

Renaud Gignac, associé de recherche principal de l’Institut canadien pour des choix climatiques

Réduction de la croissance économique

L’augmentation des coûts liés aux impacts des changements climatiques gruge la croissance économique du pays, minant ainsi la capacité des gouvernements à répondre à leurs autres « missions sociales », affirme l’ICCC.

Entre 2010 et 2019, le coût des catastrophes naturelles a grimpé entre 5 à 6 % de la croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB) canadien, alors qu’il était de 1 % dans les décennies précédentes.

Sans mesures d’adaptation, cette proportion pourrait grimper à près de 50 % au Québec et au Nouveau-Brunswick d’ici 2050, avertit l’ICCC.

Pis encore, dans le nord du pays, les coûts engendrés par la fonte du pergélisol au cours des 75 prochaines années pourraient s’élever à 25 % du PIB total du territoire, soit considérablement plus que sa croissance annuelle.

Le rapport cite également l’exemple du gigantesque incendie de Fort McMurray, en 2016, dont les pertes directes et indirectes se sont élevées à 11 milliards, soit 3,5 % du PIB de l’Alberta ou, calculé autrement, l’équivalent d’un an et demi de croissance économique de la province.

L’ICCC recommande aux gouvernements de « passer à la vitesse supérieure » non seulement en augmentant les investissements dans les mesures d’adaptation, mais surtout en adoptant une approche concertée et en misant sur l’amélioration de la résilience des écosystèmes dans leur ensemble plutôt que sur des mesures à la pièce.

Qu’est-ce que l’Institut canadien pour des choix climatiques ?

L’Institut canadien pour des choix climatiques (ICCC) a été fondé en 2019 à l’invitation du ministère de l’Environnement et du Changement climatique du Canada. Il est constitué d’experts et de scientifiques indépendants et sa mission est de guider les décideurs publics dans le domaine des changements climatiques. Ce rapport donnant une vue d’ensemble des coûts des changements climatiques est le premier d’une série de cinq produits par l’ICCC ; le prochain portera spécifiquement sur les répercussions financières dans le domaine de la santé et devrait être publié au début de 2021. — Jean-Thomas Léveillé, La Presse

2020 scelle la décennie la plus chaude jamais observée

2020 s’annonce comme l’une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées, selon le rapport annuel provisoire de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) sur l’état du climat mondial, qui conclut que la décennie qui s’achève sera la plus chaude jamais observée, de même que les six années écoulées depuis 2015. « L’équilibre écologique de la planète est rompu » et « l’humanité fait la guerre à la nature, c’est suicidaire », a dénoncé le secrétaire général de l’ONU, António Guterres. Selon l’OMM, il y a au moins une chance sur cinq que la température moyenne mondiale dépasse temporairement 1,5 °C d’ici 2024, un seuil critique fixé dans l’Accord de Paris, signé en décembre 2015, où 195 pays se sont engagés à limiter la hausse de la température « bien en deçà de 2 °C » par rapport à l’ère préindustrielle et de « poursuivre les efforts pour limiter la hausse de la température à 1,5 °C », afin d’éviter des conséquences dramatiques et irréversibles. — Agence France-Presse