Dix organisations environnementales ont dénoncé jeudi « l’obstruction » du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) face aux efforts déployés pour atteindre la cible de 17 % d’aires protégées d’ici la fin de l’année.

Des organisations comme Nature Québec, la Fondation David-Suzuki, la Société pour la nature et les parcs (SNAP), Greenpeace et l’Action Boréale accusent le MFFP d’être devenu le ministère de « l’industrie forestière ». Le Ministère se présenterait à la table de travail sur les aires protégées en négociant « avant tout pour l’industrie et contre l’environnement ».

« Je le dis haut et fort : le MFFP est un empêcheur de tourner en rond quand vient le temps de créer des aires protégées au Québec, lance Henri Jacob, président de l’Action boréale. Ils sont en opposition totale dès que ça concerne une zone où il y a des coupes forestières au sud du 49e parallèle. »

La résistance à la création d’aires protégées plus au sud n’est pas nouvelle. Un document interne du MFFP, rendu public en 2018, avait dévoilé la stratégie de limiter les futures aires protégées sur la Côte-Nord et le Nord-du-Québec.

La carte des aires protégées au Québec montre un effet un net déséquilibre entre le nord et le sud. Plusieurs projets présentés au gouvernement permettraient par ailleurs de protéger des secteurs dans le sud de la province.

Ce sont ces projets qui seraient bloqués par le MFFP.

Le premier ministre doit intervenir

Les 10 groupes demandent au premier ministre François Legault d’intervenir rapidement, d’autant plus que le temps presse pour atteindre l’objectif d’ici le 31 décembre. Le Québec compte actuellement 10,7 % d’aires protégées sur son territoire.

Des projets d’aires protégées dans le secteur du lac Kénogami, au Saguenay, au mont Kaiikop et la forêt Ouareau, tous deux dans Lanaudière, n’avanceraient pas puisque ces secteurs subissent également des coupes forestières ou possèdent un potentiel d’exploitation.

« Il y a actuellement 270 000 km2 de territoires disponibles pour l’exploitation forestière au Québec. C’est complètement fou de voir qu’on se bat pour protéger de petits secteurs », signale Pier-Olivier Boudreault, biologiste en conservation à la SNAP, section Québec.

Selon le biologiste, le MFFP veut créer des aires protégées « là où ça ne dérange personne ». Du même coup, il craint que la valeur des aires protégées à venir soit de moindre valeur, même si on atteignait l’objectif de 17 %.

Selon Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec, cet objectif pourrait d’ailleurs être facilement dépassé. « Plusieurs projets sont connus du gouvernement depuis plusieurs années. Ils sont très bien montés. Ils font consensus auprès de la population, des acteurs locaux et des élus. Il n’y a aucune raison pour laquelle ces projets ne passent pas. »

Les projets actuellement sur la table permettraient au Québec d’avoir 20 % d’aires protégées, estime Mme Simard. « La pression [du développement] est la plus forte sur les écosystèmes dans le sud du Québec et c’est là qu’il faut agir. »

« Il faut être sérieux, rappelle Henri Jacob. L’idée derrière les aires protégées, c’est aussi d’avoir une représentativité des écosystèmes qu’on retrouve au Québec. Comme c’est parti, ça va être dur d’avoir un 17 % [d’aires protégées] de qualité. »

« Le MFFP travaille étroitement avec tous les ministères impliqués afin d’atteindre la cible fixée. Pour nous, l’objectif est d’assurer l’aménagement durable des forêts, a réagi le ministre Pierre Dufour dans une déclaration écrite. Le défi est de trouver ce juste équilibre entre, d’une part, le maintien de milliers d’emplois en région, bien rémunérés, et d’autre part, la protection et la valorisation de notre territoire. D’ailleurs, depuis longtemps, le ministère identifie et protège, de sa propre initiative, de grandes portions du territoire à des fins de conservation et de protection. »

> Consultez la carte des aires protégées au Québec