À l’approche de la saison des Fêtes, de grands détaillants britanniques ont décidé de bannir les paillettes des produits de marques maison. Il n’y aura pas de petits brillants sur les cartes de vœux ni sur les papiers d’emballage ou sur les sacs cadeaux chez Morrisons, Waitrose et John Lewis.

La raison ? Leur composition et leur très petite taille en font des déchets particulièrement polluants.

La plupart des paillettes sont fabriquées à partir de feuilles de plastique renforcées d’une feuille d’aluminium. Elles ne sont pas recyclables et finissent dans les rivières, les lacs et les océans, où elles mettent des centaines d’années à se dégrader.

Impossibles à ramasser

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Tubes de paillettes de plastique colorisé et métalisé

« C’est très dommageable en raison de la taille, explique la biologiste Lyne Morissette, de M – Expertise marine, à Sainte-Luce, près de Rimouski. C’est très, très petit. Donc ça passe dans les filtres des systèmes de traitement des eaux. Puis, c’est quasiment impossible à ramasser. Mais ce n’est pas parce que c’est petit que ça n’existe pas. Les impacts sur la faune marine sont grands. »

Les scientifiques préconisent donc d’interdire les paillettes parce qu’elles sont nocives pour l’environnement et la santé.

C’est tellement petit que ça va être filtré par des organismes comme les moules ou n’importe quoi dans l’écosystème qui filtre l’eau. Puis, ça va être filtré au même titre que de la nourriture ou du plancton.

Lyne Morissette, chercheuse en écologie marine, à propos des paillettes

« Sinon, pour les petits organismes qui sont capables de chasser leur nourriture – et ça, c’est vrai pour n’importe quel morceau de plastique –, c’est super attrayant pour un prédateur, surtout si c’est des paillettes parce qu’en plus, c’est attirant. Quand on regarde les agrès de pêche, c’est brillant et c’est fait en paillettes, parce que ça fonctionne bien et que ça attire les poissons. »

Les microplastiques sont des proies immobiles, plus faciles à attraper. « On n’a pas besoin de perdre son énergie à pourchasser la proie, illustre Lyne Morissette. Elle est là, elle est attrayante. C’est pour ça que la majorité des animaux marins mangent du plastique. »

Nous en mangeons aussi lorsque nous consommons des poissons et des crustacés.

Du plastique dans les huîtres

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

On trouve des particules de plastique dans le tube digestif des huîtres.

« Les huîtres, les moules, les homards, les poissons mangent les petites particules. Donc, vous allez trouver du plastique dans le tube digestif de l’huître que vous achetez à la poissonnerie », précise Christopher Cameron, professeur au département de sciences biologiques de l’Université de Montréal.

De plus, les paillettes, en se décomposant dans l’environnement, libèrent des produits chimiques qui perturbent le fonctionnement hormonal des animaux et des humains qui les absorbent et peuvent causer des maladies.

Selon une étude publiée au début du mois dans la revue Frontiers in Marine Science, environ 14 millions de tonnes de microplastiques se retrouvent chaque année dans les fonds marins. Et on prévoit que les quantités vont augmenter dans les années à venir.

> Consultez l’étude (en anglais)

Pourquoi ne pas bannir les paillettes au Québec et au Canada ?

Des commerçants d’ici ne sont-ils pas tentés d’emboîter le pas aux grands détaillants britanniques ?

« Moi, c’est la première fois qu’on me parle de ça, fait savoir le porte-parole de l’Association des détaillants en alimentation du Québec, Stéphane Lacasse. Est-ce que des chaînes d’épicerie, comme Metro ou IGA, regardent cette possibilité ? Peut-être. »

Les épiceries Metro, à qui nous avons posé la question, n’ont pas « de produits de marques privées concernés par les brillants ». Sobeys, qui possède plusieurs chaînes de supermarchés, dont IGA, ne nous a pas répondu.

« Ça s’en vient »

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Les pailles réutilisables ou biodégradables peuvent remplacer les pailles en plastique.

Le gouvernement fédéral interdit depuis 2018 les produits de toilette contenant des microbilles de plastique, mais pas les paillettes.

Le 7 octobre, il a annoncé son intention d’interdire six articles en plastique à usage unique d’ici à la fin de 2021. Ces objets ont été choisis en fonction de deux critères. Le premier : ils sont difficiles à recycler. Le second : il existe des solutions de remplacement à ces produits.

On ne pourrait pas, par exemple, bannir du jour au lendemain le plastique pour lequel il n’y a pas d’alternative, celui avec lequel on fait les téléphones ou les ordinateurs, par exemple. Ça n’aurait pas de sens.

Lyne Morissette

Les six types d’objets retenus sont les sacs en plastique, les pailles, les bâtonnets pour mélanger le café, les anneaux pour les paquets de bières ou de boissons gazeuses, ainsi que les ustensiles et récipients faits de plastique difficiles à recycler.

Les paillettes auraient pu faire partie de cette liste, croit la biologiste Lyne Morissette. Elles ne sont pas indispensables et on peut trouver des brillants biodégradables. Quelques entreprises ont déjà commencé à en produire.

Mais cela ne la surprend pas que ce soit des entreprises anglaises, plutôt que canadiennes, qui aient été les premières à les interdire.

« Les Anglais sont des précurseurs dans le domaine du plastique, souligne-t-elle. Ils ont été les premiers à faire des épiceries sans emballages, et à offrir de nouveaux systèmes pour présenter les fruits et légumes sans emballages. La société Colgate avait annoncé l’année passée qu’elle ne faisait plus de brosses à dents en plastique, et c’est Colgate R.-U. qui a lancé cette nouvelle. Ce n’est pas encore arrivé ici. Donc, pour moi, ce n’est pas une surprise. C’est un peu leur marque de commerce.

« Mais ça s’en vient ici, ça existe, c’est faisable. On a la technologie et les innovations pour faire ça. »