(Edmonton) Les gouvernements du Canada et de l’Alberta ont signé un accord qui prévoit d’importantes réductions dans la surveillance environnementale des sites de sables bitumineux.

L’accord signé le 7 juillet dernier, dont une copie a été obtenue par La Presse canadienne, démontre que le budget du programme fédéral-provincial a été réduit de 25 %, de 58 millions l’année dernière à 44 millions cette année. Il était de 60 millions en 2018.

Aucune étude n’est prévue dans les environs du principal affluent de la rivière Athabasca, dans les zones humides ou parmi les populations de poissons et d’insectes.

Cela signifie que le programme ne financera pas la surveillance en aval des sables bitumineux, même si la province examine des propositions visant à permettre à l’eau des bassins de résidus des sables bitumineux d’être rejetée dans la rivière.

Le programme de surveillance a été mis en place par le gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper en 2012 afin de permettre le financement d’études de scientifiques des gouvernements, mais aussi du secteur privé.

Un projet pilote mesurant les risques posés par les bassins de résidus a été abandonné. L’évaluation de la qualité de l’eau dans le parc national Wood Buffalo — qui faisait partie d’une réponse aux préoccupations internationales concernant la dégradation de l’environnement sur le site du patrimoine mondial de l’UNESCO — a disparu.

Dans le cadre de l’accord, les coûts administratifs ont grimpé à plus de 10 millions, comparativement à environ 7 millions l’an dernier. Cela signifie que près d’un quart du budget de suivi sera dépensé avant qu’un seul point de données ne soit collecté.

Le gouvernement du Canada et celui de l’Alberta n’ont pas répondu aux demandes d’entrevue.

Jim Herbers, de l’organisme privé Alberta Biodiversity Monitoring Institute, raconte s’être fait dire que les compressions dans le programme de surveillance visaient à protéger les travailleurs de la COVID-19.

M. Herbers affirme que son financement a été réduit à 1,4 million, comparativement à des sommes généralement autour de 4 millions à 5 millions.

« La surveillance sur le terrain est la plus grande composante de ce que nous n’allons pas faire cette année », a-t-il déclaré.

« Le travail autour de la surveillance des amphibiens, des oiseaux et des mammifères ne sera pas entrepris. Pas plus que celui sur le suivi des indicateurs liés aux plantes ou aux changements dans l’habitat. »

Bill Donahue, ancien haut fonctionnaire des programmes de science et de surveillance de l’Alberta, a dit croire « insensé » de laisser la rivière Athabasca sans surveillance.

« Nous avons l’un des plus grands développements industriels — dont les principaux problèmes sont la contamination de l’environnement et la consommation d’eau — et il n’y a pas de surveillance en aval », a-t-il souligné.

L’Alberta a conclu une entente exécutoire avec les Territoires du Nord-Ouest pour suivre ce qui se passe avec la rivière Athabasca, qui se jette dans le territoire. Joslyn Oosenbrug, du ministère de l’Environnement du territoire, a déclaré que son gouvernement avait été informé qu’un accord avait été conclu.

« Nous n’avons reçu aucune information détaillée sur le budget », a-t-elle indiqué par courriel.

« Le [territoire] a fait part de ses préoccupations concernant la suspension de la surveillance de la qualité de l’eau en Alberta et continue de plaider pour la reprise de tous les contrôles, en particulier le programme [de surveillance des sables bitumineux] », a-t-elle ajouté.

Marlin Schmidt, porte-parole en matière d’environnement pour l’opposition néo-démocrate de l’Alberta, a souligné que le budget provincial prévoyait au moins 50 millions pour la surveillance financée par une taxe de l’industrie.

« J’ai l’impression qu’on m’a menti », a-t-il déclaré.

Il a dit croire que ces coupes ne contribueraient pas à améliorer l’image de l’industrie albertaine.

« Il est essentiel de protéger l’environnement. Il est également essentiel de montrer au monde que nous pouvons développer ces ressources de manière responsable. Nous échouons dans les deux cas », a-t-il fait valoir.

La surveillance environnementale des sables bitumineux a déjà été réduite pendant un certain temps plus tôt cette année.

Entre mars et la mi-juillet, le gouvernement conservateur uni et l’organisme de réglementation de l’énergie de la province ont suspendu un large éventail d’activités de surveillance exigées des sociétés de sables bitumineux comme conditions de leurs permis d’exploitation. La pandémie a été citée comme raison des suspensions.