La Cour d’appel du Québec vient de donner le feu vert à la Ville de Montréal pour aller creuser avec de la machinerie lourde sur la terre d’un promoteur immobilier à Rivière-des-Prairies, afin d’y chercher des traces potentielles d’enfouissement illégal de déchets.

La Ville est en conflit depuis des années à ce sujet avec l’entreprise Les Constructions Fédérales, propriétaire d’un immense terrain vague où doit être bâti un projet domiciliaire près du boulevard Gouin et de la rue Trefflé-Berthiaume.

En 2018, des fonctionnaires municipaux avaient constaté à plusieurs reprises que des camions déversaient des chargements de terre contenant « des débris de démolition, dont des tuyaux. Du béton, de la brique, du métal, etc. », ce qui est interdit par la réglementation, précise le jugement de la Cour d’appel rendu cette semaine.

Les représentants de la Ville avaient noté que le sol avait été surélevé de six pieds en quelques semaines et avaient demandé au propriétaire de laisser les fonctionnaires creuser des tranchées de 1,2 mètre pour établir « la composition du sol et le pourcentage de matériaux résiduels » enfouis.

L’entreprise avait autorisé les fonctionnaires à venir visiter le site, mais s’était formellement opposée à ce qu’ils puissent creuser et prendre des échantillons de terre « puisque cela constitue une perquisition et une saisie illégale », selon l’argument de ses avocats.

Pleinement justifié

En première instance, la Cour supérieure avait donné raison à l’entreprise. Mais la Cour d’appel vient d’infirmer la décision. Le juge Stéphane Sansfaçon, qui a rédigé les motifs du jugement, affirme que « la Ville est en droit de vérifier si tous les débris ont été retirés du site et qu’il ne s’y fait aucun entreposage, enfouissement ou élimination de déchets de construction, activités qui sont prohibées ».

« Sans ce pouvoir d’inspection, les règlements municipaux perdraient grandement de leur efficacité », dit-il.

« L’examen du contenu du remblai de même que l’emploi d’un équipement lourd afin de le réaliser se justifient pleinement », poursuit la décision, qui autorise la Ville et ses représentants à creuser entre 13 et 25 tranchées de 1,2 mètre de profondeur afin de prélever des échantillons à analyser.

Dans un message transmis à La Presse mercredi soir, l’entreprise Les Constructions Fédérales a dit étudier la possibilité de s’adresser à la Cour suprême du Canada afin de contester le jugement.

L’entreprise dit avoir toujours eu une excellente collaboration avec le ministère de l’Environnement, qui a produit un rapport montrant une faible contamination du site. Mais elle déplore que les relations avec la Ville aient été difficiles.

Déversements sauvages

L’entreprise affirme avoir été victime de déversements sauvages d’autres personnes qui ont utilisé son terrain sans sa permission. Elle affirme avoir sorti des rebuts apportés là sans sa permission.

« Nous n’avons pas fait d’enfouissement illégal sur les terrains et nous avons toujours pris toutes les mesures appropriées pour éviter les dépôts sauvages sur nos sols, un enjeu qui est récurrent dans l’arrondissement de Rivière-des-Prairies et un défi de taille pour tous les développeurs immobiliers. La qualité de nos sols a toujours été une priorité pour Constructions Fédérales », affirme l’entreprise.

« Les questions débattues devant les tribunaux dans ce dossier ont soulevé des enjeux importants en matière de perquisitions et de saisies abusives, ainsi que des questions en matière d’interprétation des lois et de partage de pouvoirs entre une autorité municipale et une autorité provinciale. Ces enjeux ont un impact important sur les citoyens et n’ont pas été débattus devant les tribunaux dans le but de cacher une quelconque contamination de nos sols », précise la direction.