(Montréal) Effets indésirables sur la grossesse, faible poids des bébés à la naissance, asthme exacerbé : l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME) s’inquiète des risques posés à la santé humaine par l’extraction du gaz naturel par fracturation hydraulique, et recommande un moratoire immédiat sur tout nouveau projet au pays.

Elle prône aussi l’élimination progressive des activités de fracturation en cours.

Celles-ci se déroulent en majorité dans l’Ouest du Canada. Au Québec, le gouvernement a encore certains investissements dans le projet Galt, en Gaspésie.

En dévoilant leur rapport détaillé mercredi, les médecins de l’ACME soulignent les dangers pour l’environnement, mais se penchent en bonne partie sur ceux qui touchent la santé de leurs patients.

Intitulé « Une transition fracturée : changements climatiques, santé et fracturation hydraulique », le rapport explique la fracturation hydraulique, utilisée pour extraire le gaz naturel de gisements difficiles d’accès. Ce procédé nécessite le forage de profonds puits, combiné à un forage horizontal et à l’injection d’eau, de sable et, bien souvent, d’additifs à une très forte pression pour fracturer la formation rocheuse et libérer le gaz naturel.

Leur analyse est une revue des études existant sur le sujet, dont beaucoup ont été menées aux États-Unis.

Selon l’ACME, la fracturation hydraulique pour extraite le gaz naturel est un « procédé dangereux, toxique et néfaste pour l’environnement », pour l’eau, le sol et l’air.

Notamment parce qu’elle nécessite de grandes quantités d’eau, exerce une pression sur les nappes phréatiques et peut contaminer les sources d’approvisionnement.

De plus, plus d’un millier de produits chimiques différents sont utilisés dans les liquides de fracturation (additifs), est-il souligné dans le rapport : « La toxicité de ces produits est variable et dans bien des cas, aucune information n’est disponible sur les effets toxiques. Certains d’entre eux sont des agents cancérogènes connus ou soupçonnés ».

Le risque est ainsi présent pour les travailleurs de cette industrie qui sont, entre autres, exposés à ces produits, a expliqué en entrevue la présidente de l’Association québécoise de l’ACME, Claudel Pétrin-Desrosiers, médecin résidente en médecine familiale à Montréal.

Mais les dangers sont aussi là pour les populations qui vivent à proximité des projets de fracturation, prévient-elle.

Pour ces gens, la fracturation et l’extraction du gaz naturel sont associées à des effets préoccupants sur la santé, peut-on lire dans leur analyse. On y parle d’atteinte aux fonctions reproductrices, d’anomalies congénitales et de cas de cancers comme la leucémie chez les enfants exposés in utero.

« Des études ont révélé que la fracturation avait de nombreux effets néfastes pour la santé, mais les données les plus probantes ont trait aux effets indésirables sur la grossesse, les issues à la naissance et l’asthme », souligne dans un communiqué le Dr Éric Notebaert, un urgentologue montréalais qui est membre de l’ACME et qui a été l’un des conseillers pour la rédaction du rapport.

Les données indiquant un faible poids à la naissance sont assez convaincantes, ce qui est préoccupant étant donné qu’il s’agit d’un indicateur pour plusieurs graves problèmes de santé, notamment des troubles du développement chez les enfants et une incidence accrue de maladies cardiovasculaires à l’âge adulte, poursuit le rapport.

Pour ces raisons, les médecins estiment « urgent » de décréter un moratoire sur toutes les activités de fracturation au Canada. « Le message qu’on veut envoyer, c’est que les projets de fracturation hydraulique, ce n’est pas une énergie de transition. Ce sont des projets qui ne sont pas sécuritaires pour notre santé », fait valoir Dre Pétrin-Desrosiers.

Au Québec, un moratoire partiel a été décrété sur le gaz naturel exploité par fracturation. La porte n’est pas complètement fermée et le moratoire ne couvre pas tout le territoire, a-t-elle ajouté.

Le Canada est le quatrième producteur de gaz naturel en importance dans le monde, selon le ministère fédéral des Ressources naturelles.

Le rapport souligne qu’à l’heure actuelle, cinq provinces canadiennes et six États américains ont décrété un moratoire sur le gaz de fracturation, tout comme la Bulgarie, la France, l’Allemagne, l’Irlande, les Pays-Bas, l’Uruguay, l’Irlande du Nord, l’Écosse, l’Angleterre et le pays de Galles.