Des maires des couronnes nord et sud de Montréal dénoncent « la vieille façon » d’occuper le territoire du gouvernement de François Legault en permettant le dézonage de terres agricoles dans les municipalités situées à l’extérieur du périmètre métropolitain.

Dans une lettre ouverte publiée ce mercredi dans La Presse, ils estiment que Québec favorise l’étalement urbain, ce qui nuit, disent-ils, au développement des transports collectifs à l’heure des défis en matière de transition écologique. La mairesse Chantal Deschamps, de Repentigny, et les maires Martin Damphousse, de Varennes, Guillaume Tremblay, de Mascouche, et Marc-André Plante, de Terrebonne, plaident ainsi en faveur d’une plus grande équité entre les contribuables des 82 municipalités composant la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) et les villes et villages qui bordent ce vaste territoire. 

En clair, ils souhaitent que les règles d’aménagement du territoire ne créent pas deux catégories de municipalités dans la région de Montréal, soit celles assujetties à un cadre strict d’urbanisation et celles qui peuvent faire du développement résidentiel nécessitant l’utilisation de l’automobile.

« Mieux penser notre développement »

Lors d’un entretien mardi avec La Presse, le maire Plante de Terrebonne a soutenu que la situation actuelle se résumait à l’idée de « deux poids, deux mesures ». « La priorité, ce n’est pas le dézonage des terres agricoles, c’est la décongestion des axes routiers sur les couronnes nord et sud par des transports collectifs et de la mobilité durable », a-t-il affirmé avant d’ajouter qu’il « faut absolument que les règles du jeu soient revues dans le Grand Montréal, ce qui inclut la CMM et les municipalités tributaires de la métropole ».

Ce qui a récemment mis le feu aux poudres est l’avis favorable du ministère des Affaires municipales pour que la MRC de Montcalm puisse faire du développement résidentiel dans les champs réservés jusque-là aux cultures. 

Deux autres MRC (Jardins-de-Napierville et Maskoutais) ont également obtenu l’aval ministériel, alors que la MRC de Joliette attend une décision. Dans un courriel à La Presse, la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, affirme que « la protection du territoire agricole est l’une des orientations d’aménagement clés du gouvernement » et que les modifications demandées par le monde municipal ont fait l’objet d’une « analyse rigoureuse et systématique ».

La ministre Laforest, qui est actuellement à l’extérieur du pays en vacances, a dit être préoccupée par l’étalement urbain et ses conséquences. « Nous réfléchissons aux moyens de mieux penser notre développement », écrit-elle sans préciser comment y parvenir. « Nous ne rejetons d’emblée aucun scénario », souligne-t-elle toutefois.

À cet égard, le directeur général de la CMM, Massimo Iezzoni, soulève différentes pistes de solution : repousser les limites de la CMM ou amener les municipalités limitrophes à contribuer au financement des transports en commun, comme la Ville de Saint-Jérôme le fait déjà sans être membre de la CMM.

Comme des centrales au charbon

Pour freiner l’étalement urbain, il faut agir sur l’habitation, soutient le consultant en environnement Steve Winkelman, de Green Resilience Strategies. Dans une étude réalisée en collaboration avec l’École d’urbanisme de l’Université McGill et rendue publique en décembre dernier, M. Winkelman affirme que « l’étalement urbain est comme la construction de petites centrales au charbon invisibles dans toute la région ».

C’est une métaphore parce qu’il n’y a pas de façon pour mesurer véritablement ce qui se passe. Mais on sait que les transports sont la plus importante source de gaz à effet de serre (GES) et que le problème est lié aux décisions de planification qui favorisent l’étalement urbain axé sur l’utilisation de la voiture.

Steve Winkelman, consultant en environnement de Green Resilience Strategies

« C’est le cas pour l’agrandissement des routes, la construction de projets commerciaux comme Royalmount, les stationnements gratuits », a rappelé M. Winkelman lors d’un entretien téléphonique.

Pour le maire Marc-André Plante, le gouvernement fait face à deux visions, l’une qui favorise les intérêts individuels et l’autre, les intérêts collectifs. « L’objectif légitime d’avoir une résidence unifamiliale pour un jeune couple ne doit pas se faire au détriment de l’atteinte d’objectifs de mobilité durable, d’un aménagement du territoire qui est efficace pour la grande région de Montréal. » Du même coup, il rappelle que selon lui, « le problème de fond, c’est la congestion routière ».

Dans son courriel, la ministre des Affaires municipales précise qu’un développement cohérent du territoire doit se faire « en positionnant le citoyen au centre de nos préoccupations ».