Un militant écologiste qui parcourt le pays pour parler d’une foule de sujets, dont les changements climatiques, devant plusieurs centaines de classes, est sans doute le premier individu à passer sous la loupe de l’agence albertaine fondée pour défendre le secteur pétrolier et gazier de la province

Un discours récemment prononcé à Airdrie, une localité située au nord de Calgary, par Steven Lee a visiblement attiré l’attention du Centre de l’énergie canadienne.

Un employé de la nouvelle agence se faisant passer pour un journaliste a tenté de le joindre au téléphone pour une demande d’entrevue concernant le 3 % Project de la Foundation for Environmental Stewardship, un groupe au sein duquel milite M. Lee. Selon cet employé, ce projet a soulevé des inquiétudes chez des parents qui auraient contacté l’agence après des présentations dans les écoles de leurs enfants.

L’agence est dotée d’un budget de 30 millions. Son objectif est de faire de la contre-propagande pour défendre le secteur énergétique de la province. Elle a récemment ouvert ses bureaux au centre-ville de Calgary.

« Que le gouvernement me surveille, je ne sais pas trop quoi en penser, s’indigne M. Lee. Que des parents soient en colère contre ce que je dis, c’est compréhensible. Mais quand une agence gouvernementale vous approche officiellement, c’est intimidant. »

La Fondation veut dégager un consensus pour agir contre les changements climatiques en tentant de s’adresser à un million d’élèves, soit environ 3 % de la population canadienne. Même si le climat est au centre des conférences de M. Lee, son objectif est d’amener les élèves à réfléchir largement sur le monde dans lequel ils évolueront après avoir obtenu leur diplôme.

« Ce ne sont pas seulement les changements climatiques. Nous examinons l’intelligence artificielle, l’automatisation, la cybersécurité, le génie génétique. Ce sont tous des problèmes mondiaux et systémiques et c’est quelque chose que ma génération devra affronter », soutient le militant âgé de 25 ans.

Le 10 décembre, le Centre de l’énergie canadienne a publié un article sur son site internet intitulé : « Un père albertain est indigné par un organisme de bienfaisance ciblant l’industrie des combustibles fossiles ». L’auteur cite un homme préoccupé par la présentation « unilatérale » de M. Lee. Il allègue aussi que la Fondation présente des renseignements erronés sur son site internet.

Selon l’agence albertaine, il est notamment faux de prétendre que le Fonds monétaire international estime que les subventions annuelles du Canada aux industries pétrolières et gazières s’élèvent à environ 46 milliards. Elle a cité d’autres études estimant ce total à 3 milliards.

Dans un courriel transmis à La Presse canadienne, un coauteur du document du FMI, Ian Parry, explique que son travail avait été évalué par ses pairs au sein du FMI. Il souligne que son estimation est élevée, car elle comprend les coûts environnementaux et sociaux, en plus des subventions directes. Cette mesure diffère complètement de celle utilisée par l’agence albertaine à des fins de comparaison.

« D’une manière générale, nos estimations des coûts environnementaux sont conformes à celles d’autres études », se défend M. Parry.

L’agence albertaine rejette aussi un rapport publié en 2013 faisant état que l’industrie des combustibles fossiles avait dépensé 558 millions de 2003 à 2010 pour nier l’existence des changements climatiques. Selon elle, le rapport démontrait plutôt que ce financement venait plutôt de fondations conservatrices, et non de l’industrie.

Elle omettait toutefois de dire que le financement de ces fondations — qui ne peut être retracé — avait augmenté en même temps que l’industrie avait cessé de financer ceux qui niaient les changements climatiques.

Un porte-parole de l’agence albertaine, Grady Semmens a défendu l’article publié sur son site internet après avoir rappelé qu’il n’avait pas été conseillé au personnel de se faire passer pour des journalistes.

« Les informations abordées dans notre article sont basées sur notre examen du manuel de la Fondation accessible au public, des renseignements sur son site internet et les préoccupations soulignées par des parents à qui nous avons parlé », a-t-il déclaré.

M. Lee dit qu’il ne modifiera pas ses plans à cause de l’attention que lui porte l’agence albertaine, des dizaines de messages haine et des menaces de mort qu’il a reçus, la plupart en provenance de l’Alberta. Il compte revenir dans la province en janvier.

Il juge que la plupart des points soulevés par l’article du Centre de l’énergie canadienne ne sont pas nouveaux, qu’il s’agit du pourcentage des émissions canadiennes par rapport à l’ensemble de la planète ou du rôle de chefs de file des entreprises canadiennes dans l’emploi d’énergie propre.

« Ces points sont utilisés de façon très courante par ceux qui s’opposent à la lutte contre les changements climatiques. Je trouve cela un peu surprenant et décevant de la part d’une agence de 30 millions. Tout ce qu’elle peut faire, c’est de répéter le message habituel qui existe déjà », dit M. Lee.