(Hamilton) Le Canada devra tenter de remonter une rivière sans pagaie s’il ne reconnaît pas les menaces qui pèsent sur son eau douce, indique un rapport rédigé par certains des plus grands scientifiques du secteur de l’eau.

« Nous avons apprécié le luxe du mythe de l’abondance illimitée d’eau douce au Canada », a déclaré Bob Sandford, coauteur d’un rapport du projet Global Water Futures, auquel participent 22 universités.

« Mais le Canada n’est pas un pays où la sécurité de l’eau est assurée. »

Les changements climatiques dépassent rapidement les politiques d’utilisation de l’eau qui n’ont pas changé depuis des décennies et la mosaïque de juridictions rivales qui les créent ne bouge pas assez vite pour s’adapter, a déclaré la coauteure, Corinne Schuster-Wallace.

« Les impacts du changement climatique s’accélèrent beaucoup plus rapidement que nous ne l’aurions pensé. Nos politiques de gouvernance de l’eau sont fragmentées. »

À titre d’exemple, les auteurs soulignent l’eutrophisation, une intoxication de l’eau des lacs par des algues toxiques.

Les algues ont toujours existé, mais l’impact des quantités croissantes de ruissellement agricole et du réchauffement progressif de l’eau des lacs par le changement climatique est de plus en plus important.

« Les lacs au Canada se réchauffent deux fois plus vite que la moyenne mondiale », a déclaré Bob Sandford qui a précisé que les algues toxiques se développent davantage lorsque les eaux sont plus chaudes.

« L’eutrophisation est un problème d’un océan à l’autre. »

Les conditions météorologiques changeantes menacent également les fermes. Plus de précipitations tombent sous forme de pluie au lieu de neige, qui coule au lieu de rester sur la terre ferme.

« L’agriculture des Prairies dépend de ce manteau neigeux », a déclaré Corinne Schuster-Wallace.

Les villes sont également menacées alors que les glaciers fondent. (La neige accumulée dans les montagnes et les glaciers est la source de la majeure partie de l’écoulement des rivières et de l’approvisionnement en eau de tout le sud des Prairies.)

« Lorsque vous considérez nos glaciers comme notre compte d’épargne et non comme notre compte courant, c’est un réel problème », a déclaré Corinne Schuster-Wallace. « Dans 10, 20 ou 30 ans, notre compte d’épargne aura disparu. »

Dans l’ensemble, la qualité de l’eau se dégrade lentement.

Et les changements climatiques continuent de provoquer l’augmentation d’événements météorologiques extrêmes comme les précipitations et les inondations qui causent des dégâts aux habitations et aux autres infrastructures.

« En cinq ans, nous avons eu trois événements qui ne se produisaient jusqu’alors que tous les 100 ans », a déclaré Corinne Schuster-Wallace.

Le directeur parlementaire du budget a déclaré que les coûts des secours en cas de catastrophe naturelle avaient augmenté de 660 % entre 1970 et 2014. Le coût des événements extrêmes survenus entre 2000 et 2017 dépasse 28 milliards de dollars.

Dans le même temps, l’eau est réglementée par des accords qui, dans certains cas, ont été élaborés dans les années soixante. Dans une année sèche, l’Alberta aurait de la difficulté à laisser à la Saskatchewan sa part d’eau dans certaines rivières, a déclaré Bob Sandford.

« La division dans ce pays pourrait nous coûter très cher », a-t-il déclaré.

« La stratégie pancanadienne sur le climat est en lambeau. Il y a d’énormes conflits et nous n’arrivons pas à des solutions. »

Les deux auteurs ont exhorté les politiciens à atténuer leur rhétorique et à se mettre au travail.

« Nous devons nous engager à changer ce que nous faisons », a déclaré Schuster-Wallace. « Et nous aurions dû l’avoir fait hier. »