(La Mède) Des militants de l’ONG Greenpeace ont bloqué mardi l’entrée de la raffinerie de La Mède, près de Marseille, pour dénoncer la production par Total de carburant à base d’huile de palme source selon eux d’« une déforestation massive ».

Vers 6 h mardi, une cinquantaine de militants vêtus d’orange sont arrivés, à la lueur des phares, devant la raffinerie bloquant à l’aide de deux conteneurs le site, a constaté un photographe de l’AFP. Dans la soirée, ils avaient été entièrement évacués par les forces de l’ordre, a indiqué une source policière. Seize personnes ont été placées en garde à vue, a précisé la direction départementale de la sécurité publique.

Dans chaque conteneur déposé devant les grilles de l’usine se trouvaient deux militants avec des victuailles pour « tenir plusieurs jours », tandis que deux autres s’étaient enchaînés à l’extérieur, avaient-ils indiqué à l’AFP.

Des membres de l’ONG ont également pénétré dans le site déroulant une banderole avec « déforestation en cours » sur une des cuves.

En fin de matinée, une soixantaine de CRS ont pénétré à l’intérieur du site et scié les chaînes avec une disqueuse, selon la préfecture de police. Cette occupation n’a eu aucun impact sur le fonctionnement de la raffinerie, a précisé Total.

« La raffinerie de La Mède est un haut-lieu de la déforestation importée en France, qui importe 550 000 tonnes d’huile de palme par an, ce qui correspond à 64 % de la consommation française », a dénoncé auprès de l’AFP Clément Sénéchal, chargé de campagne climat et forêt de Greenpeace France.

« Total s’est toujours engagé à limiter l’importation à 300 000 tonnes, soit moins que l’autorisation dont il bénéficie » fixée à 450 000 tonnes, a rappelé mardi l’entreprise.

Selon le groupe pétrolier, la raffinerie doit traiter 650 000 tonnes d’huiles et graisses par an et s’approvisionner en huile de palme « durable et certifiée » à hauteur de 300 000 tonnes au maximum.

Des millions d’hectares de forêts sacrifiés, selon Greenpeace

« L’Asie du Sud-Est a sacrifié des millions d’hectares de forêts à une production d’huile de palme en croissance exponentielle », a ajouté Greenpeace. L’Indonésie et la Malaisie produisent quelque 85 % de l’huile de palme mondiale. Selon l’ONG, les agrocarburants à base d’huile de palme importée sont également trois fois plus émetteurs de gaz à effet de serre que les carburants traditionnels.

L’utilisation massive d’huile de palme dans l’industrie, des carburants aux cosmétiques en passant par l’alimentation, est accusée par les défenseurs de l’environnement de provoquer une déforestation massive et de menacer la biodiversité des forêts tropicales mondiales.

Mais pour M. Sénéchal cette certification « ne fonctionne pas, d’autant que l’industriel indonésien auprès duquel Total se fournit ne respecte pas ses engagements zéro déforestation […] et même si c’était le cas, une telle demande accroît mécaniquement la pression continue sur la terre ».

En Asie du Sud-Est et notamment en Indonésie, fin septembre, les ONG ont imputé la responsabilité de vastes feux de forêt aux industriels de l’huile de palme, qui déclenchent des feux pour préparer des parcelles agricoles.

La raffinerie d’agrocarburants de La Mède, une des plus grandes d’Europe, a démarré début juillet, employant directement 250 personnes.

Sur un plan judiciaire, Greenpeace France conteste devant le tribunal administratif de Marseille l’autorisation préfectorale délivrée à Total pour ouvrir cette raffinerie de La Mède.

Le Conseil constitutionnel a débouté le groupe français le 11 octobre, jugeant que le Parlement pouvait tout à fait supprimer l’avantage fiscal aux carburants à base d’huile de palme.

Total avait déposé fin juillet un recours contre la suppression dès 2020 de cet avantage fiscal voté par les députés en décembre 2018, arguant d’« une discrimination incompatible avec la Constitution française et le droit communautaire ».