(Dakar) Quand trop de sachets en plastique gâchent leurs sorties en mer au large de Dakar, les plongeurs amateurs de l’Océanium se jettent à l’eau et récoltent en quelques heures des centaines de kg de détritus en tout genre.

« Les gens qui vont à la plage vont boire, faire la fête et, s’ils n’ont pas de poubelle, ça finit sur la plage et, avec la houle, ça finit dans la mer », explique Rodwan El Ali, 36 ans, directeur de plongée de l’Océanium, à la fois association de défense de l’environnement et plus ancienne école de plongée du Sénégal.

Issus d’une famille d’origine libanaise implantée au Sénégal depuis plusieurs générations, Rodwan et sa sœur Zeinab ont pris le relais de leur père, Haïdar El Ali, fondateur de l’Océanium en 1984 et pionnier de la protection de la nature au Sénégal, dont il a été ministre de l’Environnement.

« Quand on trouve des filets de pêche accrochés aux épaves, ou qu’il y a trop de plastique au fond de la mer, on organise une opération », explique Rodwan El Ali. La première a eu lieu il y a deux ans, la plus récente mi-septembre et la prochaine est prévue avant la fin de l’année.

Situé au bord de l’océan Atlantique, à la pointe occidentale de l’Afrique et aux portes du Sahel, le Sénégal subit de plein fouet le changement climatique, avec une accélération de l’érosion des côtes et de la déforestation et, cette année, une arrivée tardive de la saison des pluies.

Pirogue à ordures

« Les gens jettent tout, car ils pensent que la mer est grande, c’était aussi mon cas », reconnaît Mamadou Ali Gadiaga, géant débonnaire d’une soixantaine d’années membre de l’Océanium depuis sa fondation, d’abord comme skipper puis comme moniteur.

« Les saletés, ça éloigne les poissons, mais quand c’est propre, ils reviennent », philosophe le Sénégalais. « C’est difficile, mais il faut sensibiliser les gens. La mer, ce n’est pas une poubelle ».

« On est là pour nettoyer ! », lance avec entrain au moment de s’équiper de sa bouteille, Ndeye Selbé Diouf, d’une trentaine d’années sa cadette. Passionnée de plongée depuis deux ans, la Sénégalaise ne compte plus les poissons « coincés dans des bouteilles » qu’elle a vus près des côtes.

Sous la mer, les déchets s’amoncellent au pied des falaises de l’île de Gorée, inscrite par l’UNESCO au patrimoine de l’humanité en tant que symbole de la traite négrière, et destination très fréquentée des touristes à environ 3 km de Dakar.

Partis avec trois pirogues à moteur, dont une fait office de benne à ordures, chacun des 22 plongeurs de l’Océanium mobilisés remonte à la surface en une heure plusieurs sacs remplis de bouteilles en plastique ou en verre, de canettes rouillées, de vêtements déchirés.  

Prise de conscience tardive

À la fin de la journée, ils auront repêché 1,4 tonne de détritus. Déchargés avec l’aide des pêcheurs du village voisin, ils finiront dans l’immense décharge de Mbeubeuss où, faute de solution de recyclage, s’entassent les résidus ménagers des trois millions de Dakarois.

Selon l’ONU, à l’échelle planétaire, environ huit millions de tonnes de déchets plastiques finissent chaque année dans les océans, tuant ou blessant un million d’oiseaux et plus de 100 000 mammifères marins.

Bien que le président Macky Sall ait pour ambition de faire du Sénégal un pays « zéro déchets », les champs de sachets en plastique continuent à prospérer aux abords des villes et des villages. Une loi de 2015 restreint l’usage de ces sacs, mais reste inappliquée.

La prise de conscience écologique tarde dans un pays où la croissance économique observée depuis des années peine à résorber une pauvreté affectant autour de 40 % de la population, selon la Banque mondiale. Seuls quelques dizaines de jeunes Sénégalais ont pris part le 20 septembre aux manifestations organisées à travers le monde pour implorer les dirigeants de la planète de faire leurs devoirs sur le climat.

Seuls 9 % des neuf milliards de tonnes de plastique que le monde a jamais produites ont été recyclés, selon un rapport de l’ONU datant de 2018.