Les organisateurs espéraient être surpris. Ils l’ont été. La marche pour le climat qui s’est tenue hier à Montréal a non seulement été « la plus importante manifestation de l’histoire du Québec », disent-ils, mais aussi la plus importante de la planète, dans le cadre de cette journée de grève mondiale pour le climat.

Des centaines de milliers de manifestants

La tête de la marche avait déjà gagné le point d’arrivée lorsque les derniers manifestants quittaient le point de départ. Le cortège s’étendait donc sur plus de quatre kilomètres. « On est la plus grosse manifestation de l’histoire du Québec ! », a lancé François Geoffroy, l’un des organisateurs, aux dizaines de milliers de personnes qui se massaient devant la scène aménagée à la fin du parcours, au parc Bonaventure, le plus vaste espace public au centre-ville de Montréal. Alors que les organisateurs revendiquaient entre 450 000 et 500 000 participants, Urgences-santé y allait d’une estimation plus modérée, évoquant 300 000 personnes. La police de Montréal a parlé d’une « foule record » et affirmé qu’il s’agissait de l’événement de la plus grande envergure qu’elle ait eu à encadrer.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Greta Thunberg a marché en tête de cortège, tout juste derrière un groupe d’une trentaine de jeunes autochtones et allochtones.

Greta ovationnée

« Bonjour, Montréal ! Je suis très heureuse d’être ici, au Canada, au Québec », a lancé en français Greta Thunberg à la foule qui venait de l’accueillir par une longue ovation et qui scandait son prénom. L’adolescente suédoise avait marché en tête de cortège, tout juste derrière un groupe d’une trentaine de jeunes autochtones et allochtones tenant une bannière de 11 mètres conçue par l’artiste anichinabée Rachel Thusky-Cloutier. Elle brandissait pour sa part sa célèbre pancarte sur laquelle il était écrit « Skolstrejk för klimatet », soit « Grève scolaire pour le climat », en suédois. « Partout dans le monde, aujourd’hui, des millions de personnes marchent, a-t-elle souligné. C’est incroyable d’être unis ainsi ; on se sent bien, non ? » »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Greta Thunberg s’est adressée à la foule montréalaise.

Suède et Canada, même combat

Y allant de quelques blagues sur les similitudes entre le Canada et la Suède, Greta Thunberg a rappelé que les deux pays sont souvent présentés comme des leaders dans le domaine du climat. « Ça ne veut absolument rien dire, a-t-elle asséné. Ce sont des mots vides de sens. » Se disant déçue par les « plans insuffisants » proposés par les dirigeants de la planète réunis la semaine dernière à New York pour discuter de la crise climatique, elle a réitéré son appel à ce que l’action climatique soit basée sur ce que dit la science. « S’ils avaient fait leur travail, nous n’aurions pas à nous inquiéter ; s’ils avaient agi à temps, cette crise ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Lylou Sehili, co-porte-parole du mouvement Devoir environnemental collectif

Place au changement

La mobilisation pour le climat se poursuivra tant que les choses n’auront pas changé, ont prévenu tour à tour les jeunes qui ont pris la parole à la fin de la manifestation. « On sera encore et toujours dans les rues à réclamer la justice climatique avec une voix encore plus forte que la fois précédente », s’est exclamée Lylou Sehili, co-porte-parole du mouvement Devoir environnemental collectif (DEC), qui représente les élèves du niveau collégial. « Nous sommes ici pour dire aux personnes qui détruisent la planète que nous n’allons plus tolérer ça, le changement s’en vient », a lancé Cédric Gray-Lehoux, co-porte-parole du Réseau jeunesse des Premières Nations Québec-Labrador, alors que le drapeau de la nation innue flottait derrière lui. « Ensemble, nous irons au front pour la Terre Mère », a-t-il ajouté.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Les manifestants ont défilé dans la bonne humeur.

Ambiance festive

Les manifestants ont défilé dans la bonne humeur, malgré l’angoisse qui les animait. Avenue du Parc, deux hommes et un enfant soulevaient la foule avec leurs percussions : « Sau-sau-sau, sauvez la planète », scandaient autour d’eux des dizaines de personnes. « On ne se connaissait pas, mais on connaît les mêmes rythmes », a dit Kattam Laraki-Côté, heureux de cette rencontre spontanée. L’originalité de certaines pancartes faisait sourire : « Préfères-tu ta planète bleue ou bien cuite ? » ou encore « Si tu veux pas cuire, vote pas Scheer ». Au coin des rues Sherbrooke et Saint-Urbain, Scott Potter et deux amis distribuaient de l’eau aux marcheurs à l’aide de gros pichets. « En une heure, on a vidé 40 pichets », disait-il en remplissant une gourde.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La manifestation a réuni de nombreuses familles.

Manifestation familiale

Assis sur le trottoir en face du siège social d’Hydro-Québec, Édith Mercier et Marc-Olivier Toupin faisaient une pause avec leur fils de 4 ans, équipé d’un bouclier en carton sur lequel était écrit « Arrêtons la pollution ». « C’est émouvant », a confié la jeune mère au sujet de cette manifestation réunissant de nombreuses familles. « C’est pour eux qu’on est là et qu’il faut agir », a dit Laetitia Jourdan en pointant ses deux enfants. « C’est lui qui m’a convaincu de prendre part à cette mobilisation monstre », a confié Joëlle Jérémie, accompagnée de son jeune fils Evan. « Moi, si je suis ici, c’est pour mes enfants et mes petits-enfants », a dit Francine Saia, qui se présente comme une kukum – grand-mère, en innu. Sur un carton fixé à son sac à dos, on pouvait lire : « Fini le temps des bouffons ! Les kukums en colère ! »

PHOTO RYAN REMIORZ, LA PRESSE CANADIENNE

Un homme a tenté de s’approcher de Justin Trudeau pour lui lancer des œufs. L’individu de 39 ans a rapidement été maîtrisé par les gardes du corps du premier ministre.

Des œufs pour Justin Trudeau

Un seul incident est survenu durant toute la manifestation : un homme a tenté de s’approcher de Justin Trudeau pour lui lancer des œufs. L’individu de 39 ans a rapidement été maîtrisé par les gardes du corps du premier ministre et arrêté par la Gendarmerie royale du Canada, qui l’a ensuite remis au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Il allait passer la nuit en détention et pourrait être accusé d’agression armée, a indiqué hier soir à La Presse l’agent Manuel Couture, du SPVM. Les organisateurs de la marche ont également voulu laisser le moins possible de traces de leur passage, invitant les manifestants à ne laisser aucun déchet derrière eux, afin de ne pas prêter le flanc aux critiques des détracteurs de leur mouvement.

— Avec Raphaël Pirro, Mayssa Ferah, Judith Lachapelle et Marie-Ève Morasse, La Presse