À l’échelle mondiale, les taxes sur le carbone et autres énergies polluantes ne sont pas assez élevées pour inciter à une transition vers les énergies propres, affirme une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Pourtant, cette tarification a un large potentiel de revenus qui pourraient être réinvestis, plaide le rapport.

Mondialement, la tarification de la pollution, dont la taxe carbone, ne couvre pas suffisamment de territoires et demeure trop basse. Ainsi, 70 % des émissions de CO2 dans les pays développés et émergents ne sont pas taxées, conclut l’OCDE.

« On sait qu’il faut brûler moins de combustibles fossiles, mais quand les taxes sur les énergies les plus polluantes sont inexistantes ou presque, il y a peu d’encouragement à le faire », affirme le secrétaire général de l’OCDE, José Ángel Gurría, dans un communiqué.

Un taux quasi nul

Dans les 44 pays étudiés, qui sont responsables de 80 % des émissions, le taux moyen réel de la taxe carbone est quasi nul, indique le rapport. Quand il existe, il est insuffisant pour combattre les impacts des changements climatiques et réduire les effets de la pollution.

Or, ces mesures économiques, même modestes, pourraient générer des revenus considérables, explique cette étude. Plus encore, l’OCDE suggère aux gouvernements l’utilisation de ces bénéfices pour baisser la taxe sur le revenu ou encore investir dans des infrastructures bénéfiques aux foyers, entreprises et secteurs économiquement vulnérables.

À la lumière de ces conclusions, le document plaide pour une fiscalité énergétique visant à taxer davantage les énergies polluantes. Cette initiative constituerait un moyen efficace d’inciter les investisseurs et les industries à se tourner vers des énergies propres.

Le cas de la taxe carbone

Les tarifications actuelles sur le carbone sont insuffisantes, confirme Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal. Il faudrait que la tarification atteigne 200 $ la tonne pour qu’on commence à voir des répercussions, selon lui.

Elle correspond à 23 $ la tonne en ce moment au Québec, selon l’expert. Il souligne la difficulté politique de mettre en place ces mesures d’augmentation. « Des politiciens se sont fait élire en abolissant la taxe. Il existe des électeurs réfractaires », explique-t-il.

Selon M. Pineau, une partie de la population comprend mal en quoi consiste la tarification du carbone.

« On peut avoir l’impression d’une perte de revenus alors que ça va simplement changer les habitudes des gens et leur revenir de façon différente », plaide-t-il.

« Pourtant, le remboursement dans les provinces touchées par la taxe est très explicite, puisque des chèques leur sont envoyés, poursuit M. Pineau. Je parle des provinces qui n’ont pas de tarification du carbone, soit la Saskatchewan, l’Ontario, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick. L’Alberta aussi, parce qu’elle a abolit sa propre taxe – mais il y a un délai administratif avant qu’elle soit perçu à nouveau. Le fédéral impose sa taxe (appelée redevance) à ces provinces qui n’ont pas leur propre système. »

« En augmentant la tarification des énergies polluantes, les grands émetteurs paieront beaucoup plus, donc ça deviendra intéressant pour eux d’investir dans des énergies propres », confirme Karel Mayrand, directeur général Québec et Atlantique de la Fondation David Suzuki.

Force du lobbying

Selon lui, même si les entreprises pétrolières s’y disent favorables depuis plusieurs années, elles contribuent indirectement à alimenter la réticence de la population face à ces mesures à coups de lobbying. Du côté du Québec, les alumineries sont de grands émetteurs de gaz à effet de serre (GES) et soutiennent tout de même la tarification du carbone, nuance le spécialiste.

Les gens n’aiment pas le mot “taxe” de façon générale. Pourtant, lorsque ces mesures sont mises en place, l’appui de la population est massif.

Karel Mayrand, directeur général Québec et Atlantique de la Fondation David Suzuki

« Au Canada, c’est un peu comme une indemnité payée par les pollueurs. Pour une famille de classe moyenne avec des petites voitures et une maison de taille normale, le remboursement sera supérieur à ce qu’ils ont payé », poursuit M. Mayrand.

À son avis, si la tarification du carbone survit à l’élection actuelle et augmente, la perception des gens changera. « À une vingtaine de dollars la tonne, les gens ne sont pas encouragés à appuyer ces mesures et ne sont pas largement remboursés », pense-t-il.

En ce moment, le Québec a une tarification sur le carbone appliquée aux carburants, et pourtant, on dépasse des records dans les ventes de véhicules utilitaires sport (VUS). Karel Mayrand y voit un signe confirmant les conclusions du rapport de l’OCDE.

La fiscalité permet d’orienter les comportements de consommateurs, des industries et des investisseurs. Ainsi, la taxation d’énergies polluantes est un outil légitime et essentiel. « Si je vous dis que faire quelque chose est gratuit ou peu coûteux, vous aurez tendance à le faire. Il faut donc taxer la pollution. »

Les taux doivent augmenter, plaide Pierre-Olivier Pineau. Par contre, en plus d’encourager des énergies propres auprès des particuliers et des industries, il faut également bonifier les alternatives, en investissant dans les transports en commun, par exemple.