La température moyenne mondiale pourrait théoriquement augmenter de 7 degrés d’ici la fin du siècle, estiment des scientifiques français, qui ont mis au point de nouveaux modèles climatiques plus fiables et plus précis. Une hausse de température qui pourrait avoir de graves répercussions pour le Québec. Gros plan sur ces nouvelles données qui serviront de base pour le prochain rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) en 2021.

Deux scénarios possibles, mais improbables

Cette hausse moyenne de 7 degrés en 2100 suppose une forte croissance économique qui reposerait sur une utilisation accrue des énergies fossiles au cours des prochaines années, un scénario plutôt improbable, mais théoriquement possible.

À l’opposé, il est tout aussi improbable d’atteindre l’objectif de l’accord de Paris, soit de limiter la hausse moyenne de la température à 2 degrés. Pour y arriver, il faudrait notamment « une diminution immédiate (dès 2020) des émissions de CO2 jusqu’à atteindre la neutralité carbone à l’échelle de la planète vers 2060 ».

Cela nécessiterait aussi une « forte coopération internationale » et « la priorité donnée au développement durable ». Il faudrait également recourir à la captation de CO2 atmosphérique de l’ordre de 10 à 15 milliards de tonnes par an à partir de 2100, ce qui est techniquement incertain.

Selon Dominique Paquin, spécialiste en simulation et analyse climatique au consortium Ouranos, il faut néanmoins s’attendre à une hausse moyenne des températures sur la planète de 3 à 4 degrés, ce qui reste considérable.

Des modèles plus fiables et plus précis

Les scientifiques français ont présenté deux nouveaux modèles climatiques, dont les résultats s’ajouteront aux 18 autres modèles utilisés dans le monde. Tous doivent publier d’ici à la fin de 2019 un résumé de leurs conclusions sous la forme d’un article scientifique qui sera revu par les pairs.

« Les travaux menés par les chercheurs français [du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et de Météo-France], c’est de la recherche sérieuse, signale Mme Paquin, d’Ouranos. On comprend de mieux en mieux le climat et la chimie de l’atmosphère, nous avons des programmes informatiques améliorés et aussi une capacité informatique augmentée. En gros, c’est comme si nous avions auparavant de gros cubes Lego pour dessiner nos modèles et que maintenant, nous avons de plus petits cubes, on a donc plus de détails. »

Des hausses plus élevées au Québec

La hausse moyenne des températures au Québec et au Canada sera encore plus importante. « On estime que les régions situées dans l’hémisphère Nord vont connaître des hausses deux fois plus élevées que la moyenne mondiale », précise Mme Paquin.

Actuellement, les données d’Ouranos prévoient une hausse moyenne de la température annuelle dans une fourchette allant de 4 à 7 degrés en 2100 pour le sud du Québec. Mais ces données seront fort probablement revues à la hausse après le prochain rapport du GIEC, qui tiendra compte des nouveaux modèles climatiques.

Rappelons que selon les données actuelles d’Ouranos, les phénomènes météo extrêmes seront plus fréquents, le niveau de la mer dans le golfe du Saint-Laurent devrait augmenter de 30 à 75 cm, les périodes de canicules seront plus fréquentes et plus intenses et les écosystèmes seront profondément bouleversés.

Sans pouvoir prédire les résultats des 18 autres modèles, Dominique Paquin croit que ceux-ci risquent néanmoins d’indiquer des températures moyennes plus élevées d’ici à 2100.

« Nous n’avons plus le choix »

Selon Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-énergie chez Greenpeace, « ce n’est pas une question d’être optimiste [ou pessimiste], on n’a tout simplement pas le choix ». Mais il se dit encouragé par la mobilisation qui prend de plus en plus d’ampleur sur la question des changements climatiques, ici comme ailleurs dans le monde. Ce qui manque, c’est la volonté politique, dit-il.

C’est d’ailleurs l’une des conclusions des chercheurs français : « La température moyenne de la planète à la fin du siècle dépend donc fortement des politiques climatiques qui seront mises en œuvre dès maintenant et tout au long du XXIe siècle ». Selon M. Bonin, « c’est ça qui manque, une réponse concertée et globale. Surtout, il faut que les pays développés soient à l’avant-plan, c’est la clé ».

Le prochain scrutin fédéral est un moment-clé, estime-t-il. « C’est une élection-clé pour l’environnement au Canada. Si on continue de pelleter vers l’avant, ça va être de plus en plus difficile dans l’avenir. »

Des ambitions à revoir

À l’initiative de son secrétaire général António Guterres, l’Organisation des Nations unies (ONU) tiendra un Sommet sur le climat le 23 septembre prochain à New York pour inviter les dirigeants du monde entier à rehausser leurs ambitions pour lutter contre le réchauffement climatique.

« Je veux qu’on me dise comment nous allons mettre fin à l’augmentation des émissions d’ici à 2020, et réduire les émissions de façon draconienne pour atteindre la valeur nette de zéro émission d’ici au milieu du siècle », a lancé comme un défi le secrétaire général.

La cible de 2 degrés jouera-t-elle son sort le 23 septembre ? « Je ne pense pas que le passé ici soit garant de l’avenir, croit Patrick Bonin, qui reste optimiste malgré tout. Une mobilisation est en marche, et je ne vois pas ce qui va la ralentir. »

D’autres nouvelles environnementales

20 septembre : une marche mondiale

Une marche mondiale pour le climat est prévue vendredi dans près de 2400 villes dans 139 pays. Rappelons que le 15 mars dernier, 2 millions de personnes dans le monde étaient descendues dans la rue à l’initiative de la militante suédoise Greta Thunberg.

25 septembre : un rapport du GEIC

Le Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) dévoilera un rapport spécial sur les océans, la cryosphère et les changements climatiques le 25 septembre. Le 6e rapport global du GIEC, lui, est prévu pour 2021. On y retrouvera les données des nouveaux modèles climatiques qui auront été révisées par la communauté scientifique.

— Avec l’Agence France-Presse