(Québec) La nation huronne-wendate va demander à Ottawa d’intervenir afin de soumettre le projet de troisième lien à un processus fédéral d’évaluation environnementale, a appris La Presse.

Les Hurons estiment que le projet cher au gouvernement de François Legault se trouve dans leur territoire traditionnel – le Nionwentsïo – et qu’il serait inconcevable de procéder sans les consulter et sans réaliser une évaluation environnementale digne de ce nom.

« Nous, on veut une évaluation environnementale fédérale. Le BAPE n’entend pas les questions autochtones. Ce n’est certainement pas une organisation qui va nous entendre, ce qui ne veut pas dire qu’on n’ira pas au BAPE », indique en entrevue le grand chef de la nation huronne-wendate, Konrad Sioui.

« Ils doivent aller chercher notre consentement, tranche M. Sioui. La Cour suprême a établi des critères de consultation et on y tient. Ce n’est peut-être pas un droit de veto, mais c’est un consentement effectif. »

Les Hurons-Wendats se disent plutôt favorables au troisième lien. « On nous dit que la ville de Québec est en plein boom démographique et c’est vrai. Québec se développe à un rythme effréné. Probablement qu’on aura besoin d’une sortie additionnelle », croit le chef autochtone.

Il veut cependant une évaluation environnementale pour s’assurer que sa nation ne subisse pas les contrecoups du projet. « On est en plein cœur de notre territoire, il y a des fouilles archéologiques importantes, on chasse, on pêche, il y a les chutes Montmorency, alors on a un grand intérêt », dit-il.

Des retombées pour la communauté

Les Hurons aimeraient aussi des retombées pour la communauté, comme des emplois. M. Sioui rappelle que Wendake, près de Québec, dispose d’un centre de formation qui offre plusieurs programmes liés au monde de la construction.

Des jeunes des Premières Nations de la province fréquentent ce centre, viennent faire une formation pour « se donner une chance dans la vie », note le grand chef. Le troisième lien pourrait leur offrir un débouché.

« On est des partenaires. On aimerait être impliqués, on est prêts à faire du développement », assure Konrad Sioui. « On aimerait notre place au soleil comme tout le monde. »

Le bureau du premier ministre estime qu’il « est encore trop tôt pour conclure si le projet sera soumis à une évaluation d’impact fédérale ».

Des représentants de la nation huronne-wendate participent toutefois aux rencontres d’un comité du ministère des Transports composé notamment de plusieurs élus de la grande région de Québec, précise Ewan Sauves, attaché de presse de François Legault.

« La nation demeure informée tout au long du processus de réalisation du projet de troisième lien et continuera d’être consultée et entendue, tant par les élus locaux que par notre gouvernement », assure-t-il.

Ottawa devra trancher

Pour obtenir une évaluation fédérale, les Hurons devront en faire la demande à la ministre de l’Environnement à Ottawa, Catherine McKenna, ou à son éventuel successeur après les élections fédérales d’octobre.

Le projet de troisième lien n’entre pas dans une liste d’ouvrages normalement soumis à une évaluation de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada. Cependant, l’article 9 de la nouvelle loi sur l’évaluation d’impact accorde à la ministre le pouvoir de désigner un projet.

Celle-ci peut « prendre en compte les répercussions préjudiciables que l’activité concrète peut avoir sur les droits des peuples autochtones du Canada ».

C’est en vertu de cet article de la loi que les Hurons veulent déposer un document qui expose « leurs préoccupations quant au projet de troisième lien », précise Louis Lesage, directeur du bureau territorial de la nation huronne-wendate.

Quand les Hurons entendent-ils déposer cette demande ? Vont-ils attendre que le gouvernement précise son projet, dont on sait pour l’instant très peu de choses ? Ce n’était pas encore clair, mardi.

« La semaine dernière, on a eu une rencontre au sommet avec nos avocats, raconte Konrad Sioui. On est en train de préparer la stratégie nécessaire pour faire valoir nos droits, nos intérêts et assurer notre capacité à parler pour nous. »

Objectif 2022 ?

Le gouvernement Legault a promis une première pelletée de terre avant octobre 2022 pour le troisième lien. Une évaluation fédérale viendrait compliquer cet échéancier serré. Dans le cas du pont Champlain, l’évaluation d’Ottawa avait duré 20 mois. Celle du Port de Québec, qui cherche à construire un nouveau terminal de conteneurs en eaux profondes, dure depuis 2015.

Une évaluation fédérale pourrait aussi se pencher sur le cas du bar rayé, un poisson en voie de disparition dans le fleuve Saint-Laurent. Le tracé privilégié par le gouvernement Legault se trouve en plein dans son habitat.

Le gouvernement a assuré à La Presse, la semaine dernière, être capable de respecter son engagement de 2022 même si une évaluation fédérale était décrétée.

Cependant, certains indices laissent entendre que le gouvernement pensait pouvoir se passer d’une évaluation d’Ottawa.

Dans un appel d’offres publié en juin dernier pour la réalisation de l’étude d’impact du troisième lien, le ministère des Transports du Québec précisait que « le projet n’est pas soumis à l’évaluation environnementale fédérale ».

Le maire de Lévis attaque « une élite montréalaise »

Le maire de Lévis s’est attaqué lundi soir aux critiques du troisième lien, qu’il qualifie de « petite élite » de Québec et de Montréal. En marge du conseil municipal de Lévis, Gilles Lehouillier s’en est notamment pris à un reportage de La Presse à propos de la possibilité d’une évaluation d’impact fédérale du projet. «La Presse qui sort l’histoire du bar rayé à partir de Montréal, c’est quoi leur problème eux autres? (...) Cette petite élite montréalaise, de quoi elle se mêle?» a demandé M. Lehouillier, selon plusieurs médias de Québec présents sur place. La Presse dispose pourtant de plusieurs journalistes à Québec, et son histoire a été largement reprise par les médias de la capitale. M. Lehouillier a aussi attaqué des groupes environnementalistes opposés au projet, qui selon lui « grenouillent ». Le maire de Lévis est un ardent partisan de ce tunnel qui doit relier sa ville à Québec.