(Ottawa) Un environnementaliste qui surveille de près la santé de la rivière des Outaouais demeure sceptique quand il entend le gouvernement du Québec affirmer que c’est un barrage hydroélectrique qui est à l’origine de la mort de milliers de poissons — car on ignore comment Québec est arrivé à cette conclusion.

Patrick Nadeau, directeur de l’organisme sans but lucratif Garde-rivière des Outaouais, estime qu’il faudrait rapidement comprendre pourquoi quatre vagues successives de poissons sont morts sur la Lièvre et la rivière des Outaouais depuis le 8 juillet, avant que ce phénomène ne se reproduise à nouveau à cet endroit — ou même plus loin en aval.

« Cela ne se produit pas dans un lac, mais dans une rivière au débit rapide », a rappelé M. Nadeau. « Ces poissons meurent et sont entraînés par le courant. Alors, s’il existe une source ponctuelle, comme un déversement de produits chimiques, il faudrait intervenir le plus vite possible. »

Les premiers poissons morts ont été trouvés par des riverains et des guides de pêche dans la rivière des Outaouais, près du village de Cumberland. Une enquête plus poussée a permis de déterminer que les poissons provenaient de la rivière Lièvre, qui se jette dans la rivière des Outaouais à l’ouest de Cumberland. Le premier incident a été enregistré le 8 juillet, suivi de trois autres les 19, 29 et 31 juillet.

Au départ, le gouvernement du Québec avait parlé d’un déversement toxique, sans pouvoir en identifier la source. Puis, la semaine dernière, après la quatrième vague de poissons morts, le ministère québécois de l’Environnement a montré du doigt un barrage hydroélectrique sur la Lièvre.

Or, M. Nadeau soutient que le ministère n’a fourni aucune information à l’appui de sa thèse et qu’il devrait, à tout le moins, expliquer son raisonnement afin que l’on puisse agir au barrage. « Ce genre de choses arrive : nous savons que cela se produit dans tout le pays et que les barrages en sont parfois la cause, a-t-il reconnu. Mais dans ce cas-ci, on ignore complètement, pour l’instant, quel mécanisme est en jeu. »

Une « hypothèse »

Un porte-parole du ministre de l’Environnement du Québec, Benoit Charette, a déclaré que les résultats des tests les plus récents étaient toujours en cours d’analyse et qu’on ne commenterait pas pour l’instant « l’hypothèse » du barrage hydroélectrique, pour éviter de fausser l’enquête.

M. Nadeau croit que la présence de deux gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral a rendu la situation encore plus confuse, car de nombreuses enquêtes sont en cours et tous ne communiquent pas entre eux ou ne sont pas d’accord.

La frontière entre l’Ontario et le Québec passe au milieu de la rivière des Outaouais ; comme on avait trouvé les premiers poissons morts en Ontario, c’est cette province qui est d’abord intervenue. Mais le gouvernement ontarien s’est écarté du dossier lorsqu’on s’est aperçu que les poissons mouraient en fait dans la Lièvre — au Québec.

Environnement et Changement climatique Canada mène aussi son enquête. Le ministère fédéral n’a pas encore répondu aux questions sur les résultats de ses travaux.

M. Nadeau y voit d’ailleurs la preuve qu’il faudrait mettre en place des organismes communs pour surveiller les plans d’eau qui traversent des frontières.