(Rio de Janeiro) Le gouvernement du président brésilien Jair Bolsonaro a attribué mercredi à des « interprétations sensationnalistes » la répercussion de la publication de données confirmant une forte augmentation de la déforestation en Amazonie.

Mardi soir, l’Institut national de recherche spatiale (INPE) a indiqué que la déforestation en juillet avait été quasiment quatre fois supérieure au même mois de 2018.

L’arrivée au pouvoir en janvier du président Bolsonaro, climatosceptique notoire, a suscité de nombreuses craintes au sujet de l’avenir de la forêt amazonienne, considérée comme le « poumon de la planète ».

PHOTO ERALDO PERES, ASSOCIATED PRESS

Le président brésilien, Jair Bolsonaro

Jusqu’au mois d’avril, la déforestation se maintenait à un niveau similaire à celui des dernières années. Mais elle a augmenté de façon exponentielle ces derniers mois : 738,4 km2 en mai (+34 % par rapport au même moi en 2018), 931,7 km2 en juin (+90,7 %) et 2254,8 km2 en juillet (+277,9 %).

Le ministre de l’Environnement Ricardo Salles a cependant affirmé mercredi devant une commission parlementaire que ces données étaient le fruit « d’interprétations sensationnalistes de médias ».

« Le gouvernement se bat avec les chiffres », rétorque Carlos Rittl, directeur du réseau d’ONG Observatoire du Climat.

« La rapidité à laquelle ces zones sont déforestées est choquante, mais malheureusement prévisible, en raison de la politique anti-environnementale » menée par Bolsonaro, ajoute-t-il.  

Vendredi dernier, le directeur de l’INPE a été limogé. Le président avait accusé cet organisme public de diffuser des données « mensongères et au service des ONG ».

Le gouvernement a nommé dans la foulée un nouveau directeur par intérim, un militaire sommé désormais de présenter au président Bolsonaro toute nouvelle donnée avant de la rendre publique.

M. Salles a pour sa part annoncé qu’il se rendrait dans plusieurs pays européens en septembre pour « montrer le vrai Brésil », assurant qu’il disposait « d’un plan » pour lutter contre la déforestation.  

« Capitaine tronçonneuse »

Jair Bolsonaro lui-même a qualifié lundi de « mauvais Brésiliens » ceux qui « osent faire campagne avec des données mensongères sur notre Amazonie ».

« Il faut en finir avec ça et montrer au monde que le gouvernement a changé. Nous avons la responsabilité de faire en sorte que l’Amazonie continue à nous appartenir, sans renoncer à l’exploiter en respectant les préceptes du développement durable », a-t-il ajouté.

L’ex-capitaine de l’armée envisage notamment d’ouvrir les territoires réservés aux population autochtones à l’exploration minière, sous prétexte « d’intégrer les indigènes à la société », sans les laisser « confinés comme dans un zoo ».

Pour l’ONG Survival International, ce genre de propos a stimulé « l’invasion » du territoire de la tribu Yanomani, au nord du Brésil, par des orpailleurs illégaux « qui propagent la malaria et contaminent des rivières avec du mercure ».

Mardi, Jair Bolsonaro, 64 ans, a évoqué avec ironie la façon dont il est vu à l’étranger. « En dehors du Brésil, je suis le capitaine tronçonneuse », a-t-il affirmé devant un parterre de chefs d’entreprises.  

Paradoxalement, cette mauvaise réputation du Brésil en termes de protection de l’environnement commence à inquiéter le secteur de agro-alimentaire, qui s’était pourtant révélé un précieux soutien de Bolsonaro lors de la présidentielle d’octobre.

Mais les exportateurs de biens agricoles craignent que leurs produits se vendent moins bien à l’étranger, d’autant plus que l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Mercosur prévoit des garde-fous environnementaux.

Roberto Brandt, un des responsables de la Confédération Nationale de l’Agriculture, a affirmé mardi que le discours de Bolsonaro « portait préjudice » à l’image de l’agro-alimentaire.

« À quoi ça sert de parler de chercher de l’or en terres indigènes ? Le gouvernement devrait plutôt parler de méthodes pour surveiller la déforestation en Amazonie », a-t-il conclu.