(Montréal) Une vingtaine de militants écologistes ont été arrêtés après avoir pris part à un sit-in de plusieurs heures devant le cabinet montréalais du premier ministre Legault, samedi après-midi. L’intervention s'est déroulée sans violence. L’action de désobéissance civile, menée par des activistes du mouvement Extinction Rebellion, vise à dénoncer « l’inaction » et « le pseudo virage vert » des gouvernements. Le sit-in s’est déroulé au terme d’une manifestation en plein centre-ville de Montréal.

La rue Sherbrooke a été bloquée à la circulation pendant près de cinq heures, entre les rues University et Metcalfe. Une vingtaine d’activistes, des « rebelles » d’Extinction Rebellion, se sont enchaînés les uns aux autres, assis au sol. D’autres manifestants se sont joints à l’action. « Ils ne bougeront pas tant que la police ne les y force pas », a indiqué une représentante après trois quarts d’heure de sit-in.

Vers 16h, plus que quelques dizaines de manifestants, solidaires, restaient au sol. Les agents du Service de police de la ville de Montréal a alors donné une demi-heure aux militants pour libérer la chaussée. « On va ouvrir la rue à 16h20, il va falloir libérer la rue pour la sécurité publique », a informé Martine Dubuc, commandante en charge de la supervision de l’événement. 

Une poignée de manifestants sont alors partis. Lorsque l’heure a sonné, cernés par une dizaine de policiers, 26 personnes, certains enchaînés, ont refusé de bouger, a constaté La Presse. L’équipe de médiation, composée de deux agents, n’a dissuadé personne.

Une trentaine d’agents du Groupe d’intervention (GI) du SPVM ont encerclé les activistes durant de longues minutes, leurs boucliers brandis. « Police, doucement, nous sommes non-violent », ont scandé les manifestants.

À 17h et jusqu’à au moins 19h, un par un, les activistes ont été traînés jusqu’aux fourgonnettes des forces de l’ordre. La plupart se sont légèrement débattus, mais l’intervention n’a mené à aucune irruption majeure de violence.

Deux militants, résistant avec force, ont été menottés avant d’être à leur tour embarqués. Les policiers ont coupé les chaînes de ceux qui étaient attachés les uns aux autres, avant de les arrêter également.

Attirer l’attention

« On a vu ce que les activistes d’Extinction Rebellion en France, à Paris, ont vécu comme violence policière dernièrement, disait, quelque temps avant son arrestation l’activiste Charlotte Doucet, 21 ans, enchaînée à une autre militante. On est conscient du risque, mais on est prêts à le prendre. »

Pour elle et Martha, 31 ans, attachée à sa gauche par de lourde chaîne de métal, il faut prendre des moyens « plus radicaux » pour faire plus de pression et déranger le « business as usual » ici, à Montréal. 

« L’intention derrière le mouvement est d’attirer l’attention le plus possible, a dit Charlotte. Il est minuit moins une. »

Des mouvements écologiques s’unissent

Les regroupements écologiques La Planète s’invite au Parlement, La Planète s’invite à l’université, Extinction Rébellion et Pour le futur Montréal se sont associés samedi pour cette manifestation pour le climat. 

La foule durant la marche était loin d’être aussi imposante qu’elle l’a déjà été lors de précédentes manifestations pour le climat ces derniers mois: 500 manifestants ont pris part à l’action, selon les organisateurs.

Avant le sit-it, le rassemblement a pris naissance au monument Sir George-Étienne Cartier du parc de Mont-Royal, vers 14h. Les participants ont convergé vers le point de rencontre de l’avenue Parc, avant de mettre en branle la marche vers le centre-ville.

Des « chants écolos » ont été entonnés pour rallier les troupes avant de démarrer la marche d’une trentaine de minutes. « Ne la laisse pas tomber, elle est si fragile / Notre pacha-mama, elle a pas la vie facile », ont-ils chanté, tapant des mains en rythme.

Beaucoup étaient vêtus de vert, plusieurs portaient des couronnes et colliers de fleurs. Certains étaient même déguisés en fleurs. Le cortège, composé de manifestants de tous âgés (des enfants en trottinette, des bébés en poussettes, des milléniaux à vélo, des familles à pied), s’est engagé dans la rue, sous le soleil de plomb, à 14h25. Des jeunes militants ont conduit la marche, munis de leurs mégaphones et leurs slogans.

« Urgence climatique, courage politique », ont crié les manifestants, en s’engageant vers le sud, précédés par des agents à vélo du Service de police de la ville de Montréal (SPVM).

Bruyante et enthousiaste, la foule a fait résonner ses revendications au centre-ville, sous les regards curieux des badauds.

L’événement a été nommé La Planète s’invite chez Extinction Rebellion. Ces derniers mois, le collectif montréalais La Planète s’invite au parlement a organisé de nombreuses manifestations, dont la première a eu lieu lors 

de la campagne électorale, l’automne dernier. Souhaitant d’abord attirer l’attention des partis sur la question environnementale, le mouvement a pris de l’ampleur au fil des évènements.

Extinction Rebellion (XR) est un mouvement écologique né au Royaume-Uni, faisant de la lutte contre l’extinction de l’humanité et l’effondrement écologique son cheval de bataille. La désobéissance civile est un des moyens au cœur de leurs actions. 

L’appel d’urgence à l’action a résonné à travers le monde depuis les débuts de XR, également à l’automne 2018. Des branches québécoises, françaises, italiennes, australiennes, belges ou allemandes ont vu le jour depuis.

Frustration contre les gouvernements

« Legault, Trudeau, faites vos devoirs / La récré est terminée », ont scandé les militants en s’engageant sur la rue Sherbrooke Ouest.

Puis, devant le numéro 770, la marche s’est arrêtée. Un imposant système de son a diffusé de la musique à l’arrivée des manifestants.

« On va prendre une petite pause », a alors annoncé un des organisateurs, alors que l’horloge du campus McGill sonnait 15 heures.

Munis de craies colorées, les manifestants ont marqué la chaussée de centaines de messages et dessins.

Les organisateurs issus des quatre groupes non-violents prévenaient dans leur invitation qu’il s’agirait de « bien plus qu’une autre manif pour le climat ».

Des représentants de La Planète s’invitent au Parlement, La Planète s’invite à l’université, Extinction Rébellion et Pour le futur Montréal ont adressé des discours aux manifestants assis sur l’asphalte en plein soleil.

Durant la demi-douzaine d’allocutions, les thèmes sont restés les mêmes: l’urgence de la situation écologique, la frustration face à « l’inaction » gouvernementale, tant au niveau fédéral que provincial, le problème de l’exploitation pétrolière...

« Êtes-vous écœurés de faire des marches et que ça ne change rien? a demandé Mei Chiu, porte-parole d’Extinction Rebellion, à la foule quelque peu rétrécie. La crise environnementale est ici et maintenant, la situation est urgente. [...] Justin Trudeau déclare l’urgence climatique et le lendemain lance le projet Transmoutain. On nous rit en pleine face. Legault n’est pas mieux: il veut toujours exploiter les gazoducs. »

En musique, le rassemblement se poursuit sous la supervision des policiers ne semblant d’abord pas pressés d’intervenir. Les manifestants ont été invités à rester dans la rue, à « s’enraciner comme des plantes », « jusqu’à ce qu’ils ne soient plus confortables ».

Le prochain événement de La Planète s’invite au parlement est un appel à tous les « travailleurs et étudiants » pour une « grève générale planétaire » le 27 septembre.