Trafic d’organes génitaux d’ours, bain acide pour des oiseaux migrateurs, chantiers arrêtés pour protéger des hirondelles ; l’opération internationale de lutte contre les crimes liés à la faune Thunderball a permis l’ouverture d’une vingtaine d’enquêtes, le mois dernier, au Canada. Bilan.

Pénis et testicules d’ours

Les autorités canadiennes ont découvert un nouveau type de trafic, le mois dernier, lors de l’opération Thunderball : le commerce illicite d’organes génitaux d’ours noir d’Amérique. Une quinzaine d’os de pénis, des testicules de même que des pattes ont été saisis au Nouveau-Brunswick, en Ontario et en Saskatchewan, lors d’opérations menées à la frontière. Certains avaient même été dissimulés dans la gorge ou sous la peau des bêtes. « C’est quelque chose qu’on n’avait pas vu auparavant et qu’on va observer à l’avenir », a indiqué dans une entrevue à La Presse Sheldon Jordan, directeur général de l’application de la loi sur la faune à Environnement Canada, précisant que ces parties de l’ours seraient prisées dans la médecine traditionnelle chinoise.

Bain acide

La mort de 220 oiseaux migrateurs dans un bassin de rétention acide d’une usine de fabrication d’engrais chimique, en Alberta, fait aussi l’objet d’une enquête. « Il faudra voir si le propriétaire a fait tout le nécessaire pour éloigner les oiseaux », indique Sheldon Jordan, qui estime quoi qu’il en soit que « 220 oiseaux qui se posent dans un bassin d’acide, ce n’est pas normal ». Il précise que le bassin présentait un pH inférieur à 2, ce qui se situe « entre le vinaigre et l’acide gastrique ». L’opération Thunderball s’est traduite au Canada par le dépôt d’accusations dans 18 dossiers ; des enquêtes sont toujours en cours dans une douzaine d’autres dossiers. Les amendes éventuelles seront versées dans le Fonds pour dommages à l’environnement, administré par Environnement Canada.

Hirondelles en danger

Les agents de protection de la faune sont également intervenus pour protéger les hirondelles de rivage durant leur période de nidification. Ils ont lancé des ordonnances pour faire interrompre les travaux sur cinq chantiers au pays, dont deux dans la région de Montréal. Cette espèce vulnérable, qui niche souvent dans les carrières ou les chantiers de construction, a vu sa population diminuer de 98 % depuis 40 ans, explique Sheldon Jordan. Certaines interventions pour protéger les oiseaux et leur habitat ont été rendues possibles par des signalements du public, ce qui démontre selon M. Jordan « que le public prend de plus en plus à cœur les crimes contre les espèces sauvages ».

Pangolins saisis à Montréal-Trudeau

Les agents de protection de la faune ont concentré leurs efforts sur trois volets : les exportations d’espèces canadiennes, la protection d’espèces en péril au Canada, ainsi que l’importation d’espèces étrangères. Dans ce dernier cas, ils ont saisi à l’aéroport de Dorval deux pangolins en provenance du Cameroun. Cet animal recouvert d’écailles, très prisé en Asie, est le mammifère le plus braconné au monde, affirmait en 2017 une étude de la revue Conservation Letters. C’est d’ailleurs la première fois que des spécimens de cette espèce sont saisis au Canada, dit Sheldon Jordan. « Les forces du marché font en sorte qu’il y a des gens prêts à braconner et trafiquer, peu importe le niveau de vulnérabilité des espèces », se désole-t-il.

Ailleurs dans le monde

L’opération Thunderball a été menée simultanément dans 109 pays, du 4 au 30 juin, par les agences nationales de protection de la faune, Interpol et l’Organisation mondiale des douanes. Elle s’est soldée par 582 arrestations et la saisie de milliers d’animaux, morts et vivants, ainsi que de plantes et de bois d’œuvre. Elle a également montré la « tendance tenace » du commerce en ligne d’espèces sauvages, affirme Interpol dans un communiqué, évoquant 21 arrestations en Espagne et la saisie de centaines d’oiseaux en Italie en lien avec deux enquêtes menées sur internet. Les crimes contre les espèces sauvages se chiffreraient à 203 milliards de dollars annuellement, ce qui en ferait le quatrième type de crime le plus lucratif du monde, selon Interpol et les Nations unies.

L’opération Thunderball en chiffres

•23 primates vivants

•440 défenses d’éléphants

•4300 oiseaux protégés

•10 000 tortues

•L’équivalent de 74 camions de bois d’œuvre

Source : Interpol