Les Canadiens figurent parmi les plus grands producteurs de déchets de la planète, selon un nouveau rapport qui passe en revue la performance de près de 200 pays dans ce domaine.

En proportion, seuls les habitants de Bahreïn et des Comores (906,7 et 813,3 kg par personne) produisent annuellement plus de rebuts municipaux solides que la population canadienne (777 kg). Les Américains arrivent tout juste derrière (773 kg).

La firme britannique de gestion de risques qui a produit le rapport, Verisk Maplecroft, relève par ailleurs que le Canada recycle 24 % des déchets municipaux en question, ce qui le place loin derrière les pays occidentaux les plus performants comme l’Allemagne (68 %). Les États-Unis font meilleure figure (35 %).

Après avoir extrait de la base de données les résultats canadiens à la demande de La Presse, un porte-parole de la firme, Jason McGeown, a relevé hier que le pays produisait par habitant une quantité « démesurée » de déchets.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le directeur du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard, note qu’il est « désolant » de constater à quel point le Canada fait piètre figure dans la comparaison internationale produite par Verisk Maplecroft.

Il a précisé que la situation globale du Canada paraissait malgré tout moins préoccupante que celle de son voisin américain, responsable à lui seul de 12 % de la production mondiale de déchets municipaux solides, alors qu’il représente 4 % de la population globale.

M. McGeown évoque notamment le fait qu’Ottawa s’est engagé, contrairement à Washington, à respecter plusieurs conventions internationales visant à limiter l’exportation de déchets.

« Ça indique que les autorités sont plus déterminées à s’attaquer au problème [de la prise en charge des déchets] même si la situation sur le terrain est moins claire », a indiqué le porte-parole.

Il a évoqué à l’appui de ce bémol la crise suscitée dans l’industrie canadienne du recyclage par la décision de pays comme la Chine de ne plus accepter l’importation de déchets plastiques.

La politique passée de Pékin a permis à nombre d’États riches de remettre à plus tard les investissements en infrastructure requis pour prendre en charge leurs déchets localement, récupérer et traiter efficacement les matières recyclables et encourager le développement de pratiques environnementales plus saines du côté des fabricants.

« Désolant »

Le directeur du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard, note qu’il est « désolant » de constater à quel point le Canada fait piètre figure dans la comparaison internationale produite par Verisk Maplecroft.

D’autant qu’un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a déjà sonné l’alarme à ce sujet l’année dernière, note le militant.

Nous sommes parmi les plus grands producteurs de déchets par personne et on ne peut pas se consoler en se disant qu’on se rattrape au niveau de la récupération et du recyclage.

Karel Ménard, directeur du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets

Selon M. Ménard, le coût relativement bas d’enfouissement des déchets au pays n’incite pas à la retenue. Et les gouvernements se montrent trop cléments envers les entreprises, qui ne sont pas pressées de revoir leurs façons de faire afin de maximiser la durée de vie de leurs produits et de s’assurer qu’ils seront recyclés, déplore-t-il.

Vers des lois plus restrictives ?

Les auteurs du rapport notent que l’attention croissante accordée à la question de la gestion des déchets par la population et les organisations non gouvernementales va déboucher dans plusieurs pays sur des lois plus restrictives qui vont sensiblement accroître les coûts pour les entreprises.

L’image des firmes qui se montrent négligentes dans ce domaine peut être durablement entachée, par exemple si elles apparaissent comme les responsables de situations très dommageables pour l’environnement.

« À l’échelle globale, il est largement reconnu qu’il faut procéder urgemment à une transition […] vers un système en “boucle fermée” où l’extraction de matières premières et la production de déchets sont minimisées, et où les ressources sont utilisées le plus efficacement possible », souligne Verisk Maplecroft.

Karel Ménard pense qu’il faut aussi veiller à sensibiliser la population, qui voit trop souvent, selon lui, les programmes de récupération et de recyclage comme un blanc-seing lui permettant de ne pas revoir ses habitudes de consommation.

Les initiatives gouvernementales visant par exemple à interdire les produits de plastique à usage unique ne doivent pas faire oublier cet objectif et la nécessité d’une action globale, souligne-t-il.

« La paille ne doit pas nous faire oublier la forêt », conclut M. Ménard.