(Québec) La Ville de Québec n’offre pas encore la collecte des résidus alimentaires, comme à Montréal. Une enseignante de maternelle a décidé de prendre le taureau par les cornes – ou les pommes par le trognon – en mettant en place à son école un système de compostage pour initier les enfants.

Francine Flores se souvient des rues jonchées de plastique de son Mexique natal. Elle se souvient, dans sa jeunesse, d’avoir entendu parler de pénurie d’eau.

Quand elle a immigré au Québec, elle a vite compris qu’elle arrivait dans un pays d’abondance. « Je ne voyais plus le plastique par terre, mais je me doutais bien qu’il était quelque part », lance l’enseignante de 52 ans.

À la maison, elle s’est mise à composter pour réduire la quantité de déchets qu’elle produit. C’est devenu tout naturel de le faire, à tel point qu’elle avait un petit pincement en voyant ses élèves jeter une peau de banane aux poubelles. « Je me disais : “Voyons, ça ne va pas là.” »

Il y a deux ans, elle a donc eu l’idée d’introduire ses élèves de maternelle au compostage. Elle a demandé la permission à la direction de l’école de Château-d’Eau, dans le quartier de Loretteville, à Québec, qui a accepté.

Le système est simple : un seau est apparu dans sa classe, un autre, plus grand, juste à la sortie de l’école, et un grand bac à compost a été installé dans la cour d’école.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Francine Flores a fait faire un exercice à ses élèves : dans un pot, elle recouvre de terre une peau de banane, dans un autre, une bouteille de plastique. « Je leur demande ce qui va se passer avec le plastique. Je leur explique que le plastique prend 400 ans à se décomposer. »

Certains enfants avaient des réserves. « Mais, Madame, ça va puer ! » Mme Flores a aussi dû convaincre des collègues.

« J’ai commencé dans ma classe au début. J’agissais sur 17 élèves. Je trouvais que ce n’était pas beaucoup, raconte-t-elle. J’ai demandé au prof de première année s’il voulait embarquer avec moi et c’est comme ça que ç’a commencé.

« Mais lui était très réticent au début : “Ah, les mouches, les drosophiles, ça pue !” Mais finalement, à la dernière rentrée, il a rembarqué pour une deuxième année. Les enfants sont sensibilisés par le projet, mais aussi les adultes. [Mon collègue] s’est rendu compte que ça ne puait pas. »

Elles sont maintenant trois classes, cette année, à participer au programme. Francine Flores fait aussi une tournée des classes pour parler du plastique aux enfants.

Elle leur fait faire un exercice : dans un pot, elle recouvre de terre une peau de banane, dans un autre, une bouteille de plastique. « Je leur demande ce qui va se passer avec le plastique. Je leur explique que le plastique prend 400 ans à se décomposer. »

« Je voulais faire quelque chose, faire de petits gestes. On le sait que c’est important, l’environnement, mais si on ne le dit pas aux jeunes, ils ne le sauront pas. » — Francine Flores, enseignante de maternelle

Réduire les gaz à effet de serre

Colleen Thorpe, nouvelle directrice générale d’Équiterre, note que le compostage « est un tremplin pour parler d’autres choses », comme de gaspillage alimentaire ou de richesse des sols.

Le compostage, lorsqu’il est bien fait, permet aussi de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les résidus alimentaires jetés aux poubelles finissent dans des sites d’enfouissement où, privés d’oxygène, ils génèrent du méthane, un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2.

Composter et oxygéner la matière – en la brassant, par exemple – permet d’éviter ce phénomène.

« Quand on composte sur site, comme dans le cas de cette école, on évite tout le transport, remarque Mme Thorpe. On a tous les bienfaits du compostage, et ça peut mener à de beaux projets de jardin ou de potager. »

C’est d’ailleurs l’objectif de Francine Flores. Des fleurs ont été plantées devant l’école. Les premiers résidus alimentaires mis dans le composteur l’année dernière devraient bientôt être prêts. Les enfants pourront donc constater que ce qui était considéré avant comme un déchet peut devenir un puissant allié du jardinier.

« On va avoir besoin d’un deuxième composteur, parce que lui est déjà plein », note l’enseignante.

« Quand je vais prendre ma retraite, il faudra que la relève s’y intéresse. Parce que c’est certain que ce projet demande du temps. Mais je pense qu’il en vaut vraiment la peine. »