(Québec) La production de pétrole bitumineux en Alberta émet désormais plus de gaz à effet de serre (GES) que le Québec au grand complet. Son expansion est telle qu’elle annule des améliorations dans la production d’électricité et dans les processus industriels, révèle un nouveau rapport fédéral.

Émissions en hausse

Le Canada s’est fixé comme objectif de réduire ses émissions de 30 % sous le niveau de 2005 avant 2030. Mais le pays s’est éloigné de cette cible en 2017, révèle l’Inventaire canadien des GES, produit en vertu de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Les émissions ont grimpé entre 2016 et 2017, passant de 708 à 716 millions de tonnes. Le Canada est responsable de 1,6 % des émissions mondiales de GES, mais les émissions par habitant sont parmi les plus élevées du monde.

Cibles atteignables ?

Le Canada doit réduire ses émissions annuelles de plus de 200 millions de tonnes pour atteindre ses objectifs climatiques. Dans le rapport, Ottawa dit avoir confiance d’y parvenir grâce à sa stratégie de taxation du carbone, à de nouvelles normes sur les carburants et à l’émergence de technologies propres. Environnement Canada souligne que la tendance à la baisse est déjà amorcée puisque les émissions du pays ont glissé depuis 2005. Mais Patrick Bonin, porte-parole de Greenpeace, se montre nettement moins optimiste. « Les prétentions du gouvernement qui se dit en voie d’atteindre les cibles de 2030, c’est complètement fallacieux », a-t-il dit. Selon lui, les gouvernements doivent plafonner la production de pétrole et cesser de financer des infrastructures polluantes comme les oléoducs ou les autoroutes.

Émissions du Canada

(en mégatonnes équivalent CO2)

1990 : 602 Mt

2005 : 730 Mt

2012 : 711 Mt

2013 : 722 Mt

2014 : 723 Mt

2015 : 722 Mt

2016 : 708 Mt

2017 : 716 Mt

Cible de 2030 : 511 Mt

Pétrole bitumineux

La production de pétrole bitumineux en Alberta a bondi de 158 % entre 2005 et 2017. Pendant cette période, les émissions de GES de cette activité sont passées de 36 à 81 millions de tonnes. À elle seule, cette industrie pollue donc davantage que le Québec au complet, dont les émissions s’élevaient à 78 millions de tonnes. La production de ce pétrole est plus polluante que les sources conventionnelles, car pour séparer le bitume du sable, il faut y injecter de la vapeur. Ce procédé nécessite la combustion de grandes quantités de gaz naturel. En tout, la production de pétrole et de gaz équivaut à 27 % des émissions canadiennes de GES.

Émissions de GES par province et territoire

(en millions de tonnes d’équivalent CO2)

Alberta : 273 Mt

Ontario : 159 Mt

Québec : 78 Mt

Saskatchewan : 78 Mt

Colombie-Britannique : 62 Mt

Manitoba : 22 Mt

Nouvelle-Écosse : 16 Mt

Nouveau-Brunswick : 14 Mt

Terre-Neuve-et-Labrador : 11 Mt

Île-du-Prince-Édouard : 1,8 Mt

Territoires du Nord-Ouest : 1,3 Mt

Nunavut : 0,6 Mt

Yukon : 0,5 Mt

Hiver rigoureux

La météo n’a pas aidé non plus. L’hiver de 2017 a été plus froid que celui de 2016. Il a fallu brûler davantage de mazout et de gaz naturel pour chauffer les maisons, les immeubles commerciaux et les établissements. Cela a entraîné une hausse des émissions de 2,9 millions de tonnes de GES en seulement un an. Environnement Canada souligne toutefois que cette hausse est épisodique et qu’il ne s’agit pas d’une tendance lourde.

Transports

Les émissions de GES du secteur des transports sont restées stables entre 2016 et 2017, mais elles avaient grimpé de manière soutenue au cours des années précédentes. Elles constituent le quart (24 %) des émissions totales du pays. La raison est simple : les pick-up et les véhicules utilitaires sport (VUS) sont de plus en plus populaires. On comptait 3,3 millions de camions légers au Canada en 1990. En 2017, il y en avait 12,3 millions.

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31 %

Les camions légers – pick-up, VUS, minifourgonnettes – émettent 31 % plus de GES par kilomètre parcouru qu’une voiture conventionnelle.

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Aucun progrès au Québec

Les émissions du Québec sont restées à peu près inchangées, selon le rapport fédéral. La province a émis 78 millions de tonnes en 2017, contre 77,7 millions l’année précédente. Contrairement aux autres provinces, le transport demeure la plus grande source de pollution.

Bonnes nouvelles

L’Inventaire fédéral recèle quelques bonnes nouvelles. Les émissions liées à la production d’électricité ont baissé entre 2005 et 2017, passant de 119 à 74 millions de tonnes. Cette tendance s’explique par la fermeture de centrales au charbon en Ontario et par une hausse de la production d’énergie propre comme l’éolien, le solaire et l’hydroélectricité. Les émissions de l’industrie lourde, surtout celle des produits chimiques et des fertilisants, ont aussi baissé de 87 à 73 millions de tonnes entre 2005 et 2017.