(Toronto) Les gouvernements fédéral et ontarien sont sur le point de s’affronter devant la Cour d’appel de la province au sujet de la loi canadienne sur les changements climatiques au cours d’une confrontation qui est, selon les experts, autant idéologique que juridique.

Le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford conteste la loi fédérale entrée en vigueur le 1er avril. Celle-ci impose une taxe sur l’essence et autres combustibles fossiles et des frais aux pollueurs industriels.

La loi s’applique dans les provinces où il n’existe pas de régime de tarification du carbone conforme aux normes nationales.

Comme la Saskatchewan avant elle, l’Ontario demande à sa Cour d’appel de décider si la loi fédérale est constitutionnelle.

Selon une professeure de droit à l’Université d’Ottawa, Carissima Mathen, Doug Ford cherche à se présenter comme le défenseur des Ontario contre une autorité centrale trop vaste.

« Les références sont aussi souvent recherchées à des fins politiques que juridiques, explique Mme Mathen. Il s’agit clairement d’un cas où la province utilise son pouvoir de recourir aux tribunaux de manière à lui permettre de formuler un message particulier. »

Les arguments juridiques avancés sont complexes et mystérieux. Ils s’appuient sur l’interprétation de la Loi constitutionnelle de 1867 et sur la répartition des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux.

L’Ontario soutient en substance que le gouvernement fédéral s’immisce dans les compétences des provinces en tentant de réglementer l’étendue presque illimitée de l’activité humaine produisant une pollution qui modifie le climat.

« Les provinces sont capables de réglementer elles-mêmes les émissions de gaz à effet de serre, affirme le gouvernement Ford dans un de ses documents présenté à la Cour. Il n’est pas nécessaire d’élargir la portée de la compétence fédérale pour imposer un prix du carbone fédéral identique pour tous. »

Pour sa part, le gouvernement fédéral insiste sur le fait qu’il répond correctement à une question d’intérêt national, le changement climatique. Selon lui, le projet de loi vise à « combler les lacunes » lorsque les mesures provinciales ne sont pas à la hauteur.

Ottawa affirme que fixer un prix au carbone est largement reconnu comme une « mesure efficace et essentielle » pour encourager les changements de comportement nécessaires visant à réduire les émissions résultant du réchauffement de la planète.

L’Ontario insiste toutefois sur le fait que la stratégie mise en place par le premier ministre libéral Justin Trudeau constitue une ponction fiscale inconstitutionnelle, même si Ottawa a le pouvoir de lutter contre les 33 polluants actuellement couverts par la loi.

David Estrin, un spécialiste du droit de l’environnement à la Osgoode Hall Law School, soutient que M. Ford se servait du système judiciaire comme un champ de bataille politique. La loi fédérale, a-t-il rappelé, ne s’applique en Ontario que parce que le gouvernement conservateur a laissé abandonner la stratégie provinciale en matière de carbone mise en place par son prédécesseur.

« C’est assurément idéologique, souligne-t-il. Il a complètement fait volte-face depuis qu’il a lancé la contestation. C’est M. Ford qui le fait pour des raisons purement absurdes et illogiques qui n’ont aucun sens économique. »