Québec constate une baisse marquée du nombre de villes engagées dans le virage vert du développement durable. Plusieurs municipalités disent ne pas avoir les ressources nécessaires pour adhérer au mouvement.

Baisse d'engagement

Le Québec s'est doté en 2008 d'une stratégie de développement durable, appelant les municipalités à y adhérer volontairement. Afin de valider l'adhésion municipale, le ministère des Affaires municipales effectue tous les trois ans un sondage sur les engagements pris. Surprise : le dernier coup de sonde, mené en mars 2018 auprès de 494 municipalités, soit 41 % des 1200 que compte la province, a permis de constater une baisse marquée. « Le sondage 2018 permet d'observer une baisse de la proportion d'organismes municipaux engagés dans une telle démarche », constate le rapport. En effet, moins du quart des municipalités ont dit avoir entrepris des démarches en faveur du développement durable. C'est nettement moins qu'en 2015, où plus du tiers des villes disaient l'avoir fait.

Municipalités engagées dans une démarche de développement durable:

• 2012 : 37 %

• 2015 : 36 %

• 2018 : 24 %

Source : ministère des Affaires municipales

Loin des objectifs

La proportion est plus faible encore quand le gouvernement évalue si les démarches entreprises répondent aux objectifs de sa stratégie. Ainsi, alors que la province s'était fixé comme objectif que 30 % des municipalités soient engagées dans une « démarche intégrée » en 2020, le sondage évalue qu'à peine 16 % d'entre elles répondent aux attentes. Ce résultat est lui aussi inférieur à celui obtenu en 2015, où près du quart des municipalités avaient entrepris des démarches jugées valides. Québec explique ce faible engagement principalement par une baisse de la participation des municipalités de petite taille.

Effet des coupes ?

Les résultats de ce sondage ont d'abord surpris la Fédération québécoise des municipalités (FQM). « Avec toute la pression qu'on sent de tout le monde, la sensibilité que les gens ont pour l'environnement, c'est étonnant qu'on puisse descendre dans un domaine comme cela », s'est étonné son président, Jacques Demers. En cherchant à comprendre cette désaffection, la FQM constate que la disparition des conférences régionales des élus (CRÉ) en 2016 et la baisse du financement accordé par Québec aux municipalités ces dernières années pourraient avoir joué pour beaucoup. « On a l'impression qu'il y a un lien direct avec les coupes budgétaires, la fin des CRÉ, qui s'occupaient entre autres d'environnement, et un pacte fiscal qui a été difficile à signer. Quand on ne met aucune obligation et qu'en plus on resserre le financement, les gens ont tendance à aller au plus urgent dans leur budget », évoque M. Demers.

Manque de ressources humaines et financières

Le sondage permet d'ailleurs de constater que le manque de ressources est la principale raison invoquée par les municipalités pour expliquer l'absence d'engagement. Les deux tiers (68 %) des répondants ont dit en effet ne pas disposer du personnel nécessaire et la moitié (52 %) ne pas avoir les fonds nécessaires. Si le problème touche principalement les petites municipalités, le Ministère note qu'« il est préoccupant que 36 % des municipalités de 10 000 habitants et plus invoquent aussi le manque de ressources humaines et 27 % d'entre elles le manque de ressources financières ».

Pas d'obligation légale

Un certain scepticisme se fait également sentir. Ainsi, le tiers des répondants au sondage ont indiqué que le développement durable n'était pas une priorité de leur conseil municipal. C'est nettement plus qu'en 2012, où seulement 22 % des municipalités avaient évoqué ce manque d'intérêt. Le quart (27 %) des répondants ont aussi expliqué ne pas participer parce que « le concept de développement durable est peu clair ». Cette proportion est stable depuis le lancement de la stratégie. Enfin, 15 % des répondants au sondage ont de plus souligné n'avoir aucune obligation légale de s'engager dans une démarche de développement durable. Plusieurs répondants au sondage ont d'ailleurs estimé que Québec devrait contraindre les villes à s'engager.

Comment augmenter l'engagement ?

Pour remettre le développement durable au centre des préoccupations des municipalités, la FQM suggère que le dossier soit intégré dans le schéma d'aménagement que les municipalités sont tenues d'adopter et de réviser périodiquement. Les conseils régionaux de l'environnement, qui accompagnent les municipalités en matière de développement durable, doutent des résultats du sondage. « Beaucoup de municipalités oeuvrent encore, on voit que l'engouement est toujours là, mais plusieurs ne savent pas comment procéder », indique Vincent Moreau, directeur général du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement. Celui-ci estime que Québec devrait financer davantage les services d'accompagnement. « Ça pourrait décupler les initiatives. »

>>> Consultez les résultats complets du sondage.