Êtes-vous plus « vert » que vos amis ? Que la moyenne des Québécois ? Si vous êtes comme une majorité de participants à une nouvelle étude internationale, vous aurez répondu oui à ces deux questions. « Les gens surestiment leurs comportements pro-environnement, et c’est inquiétant », explique en entrevue Magnus Bergquist, chercheur suédois derrière cette étude. 

Autocomplaisance

Décrite par l’ONU comme « la menace la plus sévère et la plus alarmante » de notre ère, la crise climatique provoque des remises en question partout sur la planète. Or, les gens sont complaisants lorsqu’ils examinent leur propre contribution à la crise, révèle une étude réalisée auprès de plus de 4000 répondants aux États-Unis, en Suède, au Royaume-Uni et en Inde. « Ce qui m’a étonné, c’est que c’était vrai dans les quatre pays étudiés, explique en entrevue Magnus Bergquist, postdoctorant en psychologie à l’Université de Göteborg et chercheur au Centre for Collective Action Research (CeCAR). Ça semble suggérer que c’est un biais cognitif fondamental et c’est inquiétant, car ça pourrait faire croire aux gens qu’ils en font assez pour atténuer la crise, même si ce n’est pas le cas. »

Convictions exagérées

M. Bergquist a demandé aux gens de répondre à une série de questions sur des comportements bons pour l’environnement, comme utiliser des moyens de transport durables ou actifs, ou encore réduire sa consommation d’objets en plastique. Ensuite, ils devaient donner leur avis sur la fréquence de ces comportements chez leurs amis, puis chez leurs concitoyens. Le chercheur a ensuite comparé les réponses à la moyenne d’une courbe normalement distribuée. Résultat : le biais d’autocomplaisance affectait 86 % des répondants en Inde, 72 % des répondants au Royaume-Uni, 64 % aux États-Unis et 51 % en Suède. « Ces études ont démontré que les gens se perçoivent comme étant plus respectueux de l’environnement que les autres. C’est-à-dire que la majorité des répondants avaient des convictions exagérées quant à leur propre contribution à l’atténuation des changements climatiques. »

Biais cognitif

Le biais d’autocomplaisance est un biais cognitif qui nous donne l’impression d’être responsables de nos bons coups, alors que nos mauvais coups sont attribués à des facteurs indépendants de notre volonté. Par exemple, 77 % des jeunes conducteurs suédois et 88 % des jeunes conducteurs américains estiment adopter un comportement plus sécuritaire que la moyenne des conducteurs. « Le biais d’autocomplaisance pousse les gens à déclarer qu’ils sont plus honnêtes, plus tenaces et plus originaux que la moyenne, écrit M. Bergquist. Il pousse aussi les gens à surestimer leurs chances d’avoir raison. »

Fréquence élevée

L’une des explications possibles de ce biais d’autocomplaisance est que nous estimons en faire plus en raison de la fréquence d’un comportement. « Si les gens répètent souvent un geste, par exemple mettre un contenant vide au recyclage, alors ils ont tendance à supposer qu’ils en font plus que les autres, sans se rendre compte que mettre un contenant vide au recyclage est un comportement que les autres font eux aussi à une fréquence élevée. Donc, répéter un comportement nous donne faussement l’impression d’en faire beaucoup pour l’environnement. »

Solution ?

Quelles sont les façons de contourner ce problème ? « Le fait d’en être conscient est un premier pas pour surmonter le risque de ne pas adopter des pratiques respectueuses de l’environnement, note M. Bergquist. Ensuite, je crois qu’il est important que les gens voient d’autres personnes adopter de tels comportements, car on sait que nous sommes influencés par notre entourage – même si on pense le contraire. Aussi, peut-être que les gens qui pensent être très “verts” peuvent utiliser cette perception comme tremplin pour en faire encore plus pour réduire leur rôle dans la crise climatique. Certains chercheurs ont déjà montré des situations où cet engagement pouvait servir d’élément motivateur pour un engagement plus important encore dans le futur. »

Comment minimiser son rôle dans la crise climatique ?

– Éviter de conduire un véhicule utilitaire sport (VUS), qui émet près de deux fois plus de CO2 qu’une voiture familiale récente permettant d’accueillir le même nombre de passagers. La popularité grandissante des VUS est la deuxième cause de la hausse des émissions de CO2 dans le monde depuis 10 ans, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

– En cas de déménagement, choisir une demeure située à moins de 30 minutes de marche, de vélo ou de transport collectif de votre lieu de travail.

– Choisir des électroménagers moins énergivores. Les nouveaux réfrigérateurs utilisent 40 % moins d’électricité que ceux qui ont été produits il y a à peine 10 ans.

– Prendre l’habitude de manger des fruits et des légumes de saison. Utiliser les services de compostage lorsqu’ils sont offerts – cela aide à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les dépotoirs.

Sources : Agence internationale de l’énergie, Fondation David Suzuki