Sommes-nous écolos ? Oui, mais beaucoup moins qu’on voudrait le penser, selon une étude sur la progression de nos habitudes vertes depuis les 10 dernières années. Portrait de la situation en cinq faits tirés du 10Baromètre annuel de la consommation responsable, dévoilé mardi par l’Observatoire de la consommation responsable (OCR) de l’ESG UQAM.

Mon cher bac bleu

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Bac de recyclage à Montréal

Le recyclage est devenu une habitude dans la vaste majorité de nos foyers et lieux publics. Le bac bleu est certainement le symbole du début d’une prise de conscience environnementale, mais recycler est aussi le seul geste réellement acquis depuis 10 ans au Québec. 

« En 10 ans, un seul comportement s’est implanté solidement dans les habitudes des Québécois : le recyclage. Déjà en 2010, il s’imposait comme le comportement avec le plus d’adeptes fréquents, une place qu’il n’a jamais perdue depuis », peut-on lire dans l’étude menée auprès de 1002 répondants.

À l’instar du recyclage, les comportements responsables qui ont le mieux cheminé au cours de la dernière décennie sont ceux pour lesquels le consommateur est encadré, observe Fabien Durif, directeur de l’OCR et professeur titulaire au département de marketing de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.

« Par exemple, le recyclage, on a éduqué les gens, on les a sensibilisés. Si on prend le cas du compostage, les installations se sont améliorées, on a mieux informé les citoyens… Tous ces facteurs contextuels là font progresser les comportements », explique M. Durif.

« Voulez-vous un sac ? »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

De plus en plus de clients refusent les sacs de plastique en magasin.

N’est-il pas devenu gênant de sortir de l’épicerie, sacs de plastique à la main ? Ce n’est pas une impression, le nombre de citoyens qui refusent un sac dans un magasin a fait un bond phénoménal dans la dernière décennie. Aujourd’hui, 6 citoyens sur 10 répondent « Non merci » à la question « Voulez-vous un sac ? », alors que cette proportion était de 1 sur 10 il y a 10 ans. Des commerces les ont carrément retirés et des municipalités commencent à les interdire — Saint-Lambert l’a fait, Montréal y songe. Le même phénomène s’observe pour les bouteilles d’eau : 63 % des gens ont fait la transition vers une gourde d’eau, alors qu’environ une personne sur quatre avait éliminé les bouteilles jetables de son quotidien en 2009.

Zéro déchet

Dosettes de café jetables, produits suremballés, verre de café à usage unique… Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à refuser de consommer des produits générant des déchets instantanés et superflus. Plus de 60 % des répondants croient qu’il faudrait carrément interdire les pailles de plastique, les fruits et légumes emballés dans du plastique et les sacs de plastique.

« Ça démontre des prises de conscience sur certains sujets qui sont plus poussés par l’actualité, comme le zéro déchet. Ça amène les utilisateurs à prendre conscience de l’impact des sacs et des bouteilles, par exemple, sur l’environnement. Et ça peut les amener à passer à l’action », analyse M. Durif, qui observe que ce type de comportement était pratiquement inexistant il y a 10 ans.

« Si on prend le marché des dosettes de café, il était moins important, on réfléchissait moins à l’impact. Depuis, une sensibilisation a été faite et on voit un rejet de plus en plus important. »

Moins de viande

Autre observation : une personne sur deux a réduit sa consommation de viande rouge au cours de la dernière année seulement. Les femmes universitaires de 18 à 24 ans sont surreprésentées dans cette catégorie. Toutefois, cette transition est entreprise d’abord pour des raisons de santé et non environnementales.

72,1 % : proportion des Québécois qui ont l’impression de consommer de façon responsable, mais 40 % souhaitent en faire davantage.

« L’impact environnemental n’est pas assez connu, il n’est pas très bien communiqué, croit le directeur de l’OCR. Le transport et le secteur animalier sont les secteurs les plus impactants au niveau de l’environnement. La pollution, les émissions de gaz à effet de serre… Plusieurs études le démontrent. »

Seulement une personne sur cinq parmi celles qui ont diminué leur consommation de viande rouge au cours de la dernière année l’a fait pour des motifs environnementaux.

Femmes défricheuses

Il y a 10 ans, la consommation responsable était « une consommation de niche, de femmes de 45 ans et plus », sauf pour l’utilisation des transports en commun. Au fil des ans, les femmes demeurent souvent les premières à adopter de nouveaux comportements, mais les hommes emboîtent le pas beaucoup plus rapidement, révèle l’étude.

« Pour l’âge, on a aussi vu une évolution sur 10 ans. On remarque que les comportements se définissent en fonction des générations. Les 65 ans et plus sont enclins à la consommation locale, les 25-44 ont une plus forte tendance pour la redistribution, les vêtements de seconde main, les plus jeunes sont plus ouverts sur le transport local, la protection animale », soulève Fabien Durif.

Il est à prévoir, dit-il, si la tendance se maintient, que les habitudes de consommation responsable des Québécois soient très profilées, non pas en fonction du sexe ou du revenu, mais en fonction de la génération à laquelle le consommateur appartient.

On sait que les intentions sont très élevées, mais les actions ne sont pas à la hauteur, pour énormément de raisons. […] L’écoresponsabilité, c’est complexe. Le citoyen veut de l’information, mais il a du mal à la décrypter.

Fabien Durif, professeur titulaire et directeur de l’OCR

« Depuis 10 ans, des comportements sont devenus pratique courante, comme le recyclage, d’autres se sont installés, comme la consommation locale, d’autres ont progressé, comme le compostage, d’autres émergent, comme le collaboratif… mais il reste énormément de passage à l’action pour qu’il y ait une réelle transition », poursuit M. Durif.

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