Une nouvelle étude publiée hier affirme que trois fois plus de gens que prévu seront affectés par les inondations dues aux changements climatiques d’ici 2100. Le Canada sera par contre épargné.

Corriger une erreur fondamentale

Pendant 11 jours en février 2000, la navette spatiale Endeavour a scruté la Terre avec un radar sur la grande majorité des zones habitées. Ces données, appelées SRTM, ont été utilisées depuis 2015 pour évaluer combien de personnes seront menacées par la montée des eaux. Des climatologues de l’ONG américaine Climate Central viennent de corriger une erreur fondamentale de SRTM et concluent que 340 millions de personnes pourraient vivre en permanence sous la ligne de marée haute en 2100, et 500 millions seront touchées par les inondations accrues liées aux changements climatiques. « Il y a une erreur de deux à trois mètres avec les données SRTM, parce que le radar prenait le toit des édifices et la frondaison des arbres », expliquent en entrevue les auteurs de l’étude, Scott Kulp et Benjamin Strauss. « Les données SRTM sous-estiment l’impact sur la population de la montée des eaux par un facteur de trois. » Leur modélisation tient compte de trois scénarios d’émissions de gaz à effet de serre, allant de l’arrêt d’ici quelques années de l’utilisation des carburants fossiles à leur utilisation tout au long du XXIe siècle (y compris le charbon), ainsi que de la possibilité d’une désintégration catastrophique des glaciers de l’est de l’Antarctique. Ces six cas de figure ne donnent pas de résultats différents en 2050.

Le Canada peu touché

Le Canada ne sera pas beaucoup touché par la hausse du niveau de la mer. « Le sol est encore en train de rebondir après la retraite des glaciers après les dernières glaciations, il y a plus de 10 000 ans », dit M. Kulp. L’étude de Nature Communications augmente par contre le nombre de Canadiens vivant sous la ligne de marée haute en ce moment, de 80 000 à 333 000, par rapport aux modélisations basées uniquement sur les données radar SRTM. Ce chiffre va augmenter à 350 000 en 2050, puis à 410 000 en 2100 si les émissions humaines de gaz à effet de serre cessent d’ici 2040 et si les glaciers de l’est de l’Antarctique ne connaissent pas une fonte catastrophique, ou à 510 000 si les émissions humaines de gaz à effet de serre continuent à augmenter jusqu’en 2100 et si les glaciers de l’est de l’Antarctique connaissent une fonte catastrophique.

Migrations et démographie

L’étude doit maintenant être affinée sur deux points : utiliser la technologie Lidar, plus précise, pour évaluer la topométrie des pays en voie de développement ; et surtout, projeter la croissance démographique et les migrations à venir. « La technologie Lidar est seulement utilisée dans les pays riches pour la topométrie, dit M. Kulp. Et il est bien évident que les chiffres de population que nous utilisons n’ont rien à voir avec la population des pays les plus touchés, qui sont souvent pauvres, en 2050 ou 2100. Il y aura beaucoup plus de gens en Afrique, par exemple. Mais il y aura aussi de la migration hors des régions côtières, et vers les pays riches. »

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Une étude internationale montre que les glaciers dans l’est de l’Antarctique ont connu trois accélérations de leur fonte depuis 600 ans.

Le mystère antarctique

Une autre étude, publiée la semaine dernière, a mis au jour une autre cause que les émissions de gaz à effet de serre pour expliquer la désintégration récente de nombreux glaciers dans l’est de l’Antarctique. Publiée dans la revue Scientific Reports, cette étude internationale montre que ces glaciers ont connu trois accélérations de leur fonte depuis 600 ans. Les deux premières accélérations de la fonte, vers 1400 et 1700, étaient dues à un phénomène océanique et atmosphérique appelé « mode annulaire méridional » qui amène des vents et des courants chauds en Antarctique. Des critiques ont avancé que l’influence du mode annulaire méridional était peut-être surévaluée par l’étude de Scientific Reports.

L’étude en chiffres

110 millions
Nombre de personnes qui vivent actuellement sous la ligne de marée haute sur la planète

150 millions
Nombre de personnes qui vivront sous la ligne de marée haute en 2050

190 millions
Nombre de personnes qui vivront sous la ligne de marée haute en 2100 si les émissions humaines de gaz à effet de serre cessent dans les prochaines années et si les glaciers de l’est de l’Antarctique ne connaissent pas une fonte catastrophique

340 millions
Nombre de personnes qui vivront sous la ligne de marée haute en 2100 si les émissions humaines de gaz à effet de serre continuent à augmenter jusqu’en 2100 et si les glaciers de l’est de l’Antarctique connaissent une fonte catastrophique

Source : Nature Communications