(Nations unies) Symbole international de la conscience climatique de la jeunesse, Greta Thunberg s’est heurtée aux réalités de la diplomatie mondiale, son discours agressif à la tribune de l’ONU n’ayant pas suscité l’impulsion recherchée chez les dirigeants réunis.

« Je ne devrais pas être là, je devrais être à l’école, de l’autre côté de l’océan », a lancé l’ado suédoise en année sabbatique, la voix tremblante de colère, en ouverture de ce sommet organisé par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, dans le but de relancer le chancelant accord de Paris de 2015. « Comment osez-vous ? Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos paroles creuses ».

« Mais les jeunes commencent à comprendre votre trahison », a dit Greta Thunberg. « Si vous décidez de nous laisser tomber, je vous le dis : nous ne vous pardonnerons jamais ».

Très applaudie, la jeune fille a ensuite laissé sa place à une soixantaine de dirigeants censés annoncer de nouveaux engagements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’était du moins ce qu’avait promis Antonio Guterres. En réalité, beaucoup se sont contentés de résumer les actions déjà engagées, dont on sait qu’elles sont insuffisantes, au lieu d’annonces comme la fin du charbon ou un calendrier accéléré pour passer à 100 % d’électricité propre.

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Une toile représentant Greta Thunberg intitulée Our House Is On Fire (Our Children Will Burn) a été brandie lors d’une manifestation vendredi dernier à Paris.

Certes, 66 États souscrivent désormais au principe d’une neutralité carbone d’ici 2050, a annoncé l’ONU. Mais il s’agit surtout de petits pays et de pays en développement, et ces engagements restent en majorité des déclarations de principe.

« L’appel passionné de Greta pour le bon sens, pour l’écoute et pour agir sur la base de la science a été ignoré », dit Jennifer Morgan, de Greenpeace.

« Hélas, la plupart des dirigeants des pays les plus émetteurs ont raté l’examen », estime Alden Meyer, de l’ONG Union of Concerned Scientists.

Depuis le Vatican, le pape François lui-même a déploré les engagements « très vagues » des États depuis quatre ans.

La Chine présente

Ni le Brésil, qui contient une majorité de l’Amazonie, gigantesque puits de carbone naturel, ni les États-Unis, deuxième émetteur mondial, n’ont participé, si ce n’est une brève apparition de Donald Trump, venu s’asseoir une dizaine de minutes à la surprise générale.

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Greta Thunberg regarde Donald Trump livrer un discours à l’ONU.

Ni la Chine, ni l’Inde, champions de l’éolien et du solaire mais qui continuent de dévorer du charbon, n’ont pris de nouveaux engagements.

Le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, a toutefois signalé l’attachement de Pékin au mouvement en cours. Il a accusé les États-Unis – sans les nommer – pour être revenus sur leurs engagements, Donald Trump ayant annoncé en 2017 le retrait de l’accord négocié par son prédécesseur, Barack Obama.

« Le retrait de certaines parties n’ébranle pas la volonté de la communauté internationale », a dit Wang Yi. « En tant que membre responsable de la communauté internationale, la Chine respecte ses promesses ».

De fait, Pékin atteindra la plupart de ses engagements en avance, selon le consensus d’experts, c’est-à-dire d’inverser la courbe de ses émissions avant 2030. Mais certains attendaient une annonce plus volontariste notamment sur les centrales au charbon.

« L’Inde et la Chine n’ont rien dit du tout », dit Laurence Tubiana, l’une des négociatrices de l’accord scellé au Bourget. « Ils ont fait des déclarations très conservatrices. Je suppose qu’ils se réservent pour l’an prochain », avant la réunion COP26 fin 2020, quand chaque pays devra soumettre de nouveaux plans climat.

Paris 2050 : comme Canberra

Sans nommer Greta Thunberg, le président français Emmanuel Macron a salué la mobilisation des jeunes, affirmant qu’aucun responsable ne pouvait « rester sourd à cette exigence de justice entre les générations ».

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Emmanuel Macron

Mais il a déclenché des critiques en France après avoir dit, pendant son voyage, que les jeunes devaient plutôt manifester contre les pays qui ne « bougent » pas… citant la Pologne, accusée de bloquer le consensus européen pour l’adoption de la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Ce but était considéré si radical en 2015 que le terme avait été exclu du texte de l’accord de Paris, mais il est en train de s’imposer, rendu plus pressant par les canicules de l’été dernier, les cyclones et les images de glaciers fondant presque à vue d’œil.  

Les cinq années passées devraient constituer la période la plus chaude jamais enregistrée, selon un rapport publié dimanche par l’ONU. La Terre est en moyenne plus chaude d’1 °C qu’au XIXe siècle, et finira à au moins +3 °C en 2100 dans l’état actuel des engagements.

Pour s’en tenir à +1,5 °C, les efforts des pays doivent être multipliés par cinq, estime l’ONU. Même dans ce scénario optimiste, le climat de Paris ressemblera en 2050 à celui de Canberra aujourd’hui, selon une étude publiée cette année, et Londres à Madrid.

Imperturbable, Antonio Guterres a clos la journée en disant que ce sommet avait été convoqué pour entendre « des actes, pas des platitudes. »

« Je vous remercie de l’avoir fait », a-t-il dit.