Vous les avez entendus, vous les avez lus. Ils sont écoanxieux. Ils ne veulent pas d’enfants pour des raisons morales ou « écologiques ». Pour ne pas ajouter à la pollution, à la consommation, à la dégradation, sinon à la destruction de la planète.

Chacun a ses raisons d’avoir ou pas des enfants, et rassurez-vous, je ne viens pas un dimanche matin dire à quiconque quoi faire ou pas, ni dans quelle position.

Mais pour commencer, c’est une drôle de conception de l’écologie qui consiste à réduire l’être humain à une nuisance environnementale.

Vous me direz : jusqu’ici, l’Homo sapiens a déployé des efforts prodigieux pour détruire la nature, faire disparaître des espèces et faire apparaître le dépotoir Miron, polluer les océans, désertifier des régions entières et provoquer des perturbations climatiques dont on commence seulement à vivre les conséquences catastrophiques.

J’avoue.

Si, devant ce portrait déprimant, on n’a pas le goût de se reproduire, ça se comprend.

Comme au milieu (ou au sortir) de la Grande Guerre on pouvait trouver que ce monde allait à sa perte. Après l’utilisation de bombes atomiques par les Américains à Hiroshima et Nagasaki, il y a 74 ans, on pouvait se dire que le monde allait à l’autodestruction. Et il y va peut-être, vu la quantité terrifiante d’armes nucléaires stockées sur cette planète, et les conséquences pour toute la vie sur Terre de l’utilisation d’une seule d’entre elles.

Tu veux lancer des bébés dans ce monde-là, vraiment ?

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Oui, cette idée de déprocréation, ça se comprend. Les raisons de désespérer sont nombreuses et spectaculaires.

Mais moi, j’y peux rien, malgré toutes les inquiétudes qui me taraudent, je n’arrive pas à me départir de ce vieux fond d’optimisme qui remonte toujours à la surface. C’en est décourageant.

C’est un aveu qui me coûte, mesdames et messieurs. On risque de passer pour un irrécupérable naïf ou un idiot aggravé si l’on va croire à la survie de la planète.

Je me le reproche, comprenez-moi bien, y a pas de quoi être fier. C’est à peine une opinion. Davantage une sorte de manie, oui, une tare, en fait. Je lutte contre, je me chicane avec moi-même, mais ça s’en va pas : je n’ai pas encore perdu tout espoir en l’humanité.

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Et cet espoir, il a le visage d’un bébé, d’un enfant, d’un adolescent, d’un jeune adulte. Il a le visage de l’innovation qui viendra par ces nouvelles personnes là.

Le monde n’a jamais « bien » été. La différence aujourd’hui, c’est qu’il peut vraiment se défaire complètement. Et qu’on se le fait dire jour après jour après jour.

Mais il faut avoir une vision non seulement défaitiste, mais figée du monde pour vouloir le mettre à pause, démographiquement parlant.

Ce monde, il est en mouvement perpétuel, et pas toujours pour le pire. Il y a bien moins de conflits armés dans le monde qu’il y a 50 ou 60 ans. Même si on en a davantage conscience.

On a sali cette planète, en partie irrémédiablement. Mais on l’a aussi nettoyée.

Le Saint-Laurent ou la Tamise des années 60-70 étaient bien plus pollués. Les efforts contre les pluies acides ont porté leurs fruits.

Partout sur la planète, des gens travaillent à des solutions. Pour recycler, régénérer, réutiliser. Pour dépolluer.

Une de mes rencontres les plus émouvantes cette année a été avec des étudiants à l’Université du Québec à Rouyn-Noranda qui travaillent sur la réhabilitation des sites miniers abandonnés. Oui, je sais, je les ai vues, moi aussi, ces images des lacs morts contaminés, de couleur orange. Mais on peut aussi le réparer, ce monde.

Et devinez qui arrive avec de nouvelles idées, des inventions, le goût de se battre ? C’est pas tellement le monde de 65 ans, en règle générale – quoique, faudrait pas généraliser.

Le monde a besoin de ce refus du monde qui va à sa perte. Le monde a besoin de renouveau. De regards neufs.

Alors faites-en ou faites-en pas, des bébés. Je respecte l’anxiété, d’où qu’elle vienne. Des changements climatiques, des fermetures de route ou de l’expansion de l’Univers.

Mais ce que j’en dis, c’est que ça va prendre quelques bébés et leurs nouvelles idées pour le faire tourner plus rond, ce monde.