(Iqaluit) Le premier ministre Justin Trudeau a injecté une dose de politique électorale, jeudi, lors d’une annonce gouvernementale dans le Grand Nord canadien, alors qu’il a critiqué son rival conservateur en dévoilant au Nunavut deux nouvelles aires marines protégées.

M. Trudeau a profité de ce voyage à Iqaluit pour mettre en lumière certains des effets les plus dramatiques des changements climatiques, dressant au passage le bilan de son gouvernement libéral avant les élections fédérales de cet automne.

Le premier ministre annonçait jeudi la création d’une nouvelle aire marine protégée près d’Arctic Bay, un hameau inuit situé au nord-ouest de l’île de Baffin, ainsi qu’une deuxième aire au large de la côte nord-ouest de l’île d’Ellesmere, dans l’océan Arctique.

La fonte des glaces de mer et l’intensification du trafic maritime ont accru les menaces pesant sur de nombreuses espèces locales importantes, notamment les oiseaux de mer, les narvals et les baleines boréales. Ottawa a maintenant mis en place des mesures de protection pour près de 14 % des zones marines et côtières du Canada, soit une superficie de plus de 427 000 kilomètres carrés. Les libéraux avaient comme cible la protection de 10 % des zones marines et côtières du Canada d’ici 2020.

« Aujourd’hui, l’endroit qui occupe une grande place dans l’imaginaire canadien est menacé par un climat qui se réchauffe et qui se dérègle, a dit M. Trudeau. L’Arctique tel qu’on le connaît pourrait disparaître en raison des changements climatiques. »

Le chef libéral a par ailleurs profité de cet arrière-plan nordique, jeudi, pour positionner son parti comme le mieux placé pour être le gardien de l’environnement — ce qui risque d’être un enjeu clé de la campagne — et un partenaire des Inuits pour la protection du Grand Nord.

« En juillet, Andrew Scheer s’est rendu à Whitehorse [au Yukon] pour exposer sa vision de l’Arctique : il n’a jamais mentionné le mot “Inuit”, a soutenu M. Trudeau jeudi. Cela en dit long sur l’avenir qu’il bâtirait s’il était premier ministre. Mais il a parlé de libérer le potentiel inexploité de la région — et là-dessus, il est d’accord avec nous. »

Natan Obed, président de l’organisme national Inuit Tapiriit Kanatami, a déclaré que les changements climatiques avaient déjà des effets dévastateurs sur les infrastructures locales dans les territoires nordiques — une tendance qui devrait se poursuivre si les émissions de gaz à effet de serre et les températures mondiales continuent d’augmenter.

La glace de mer disparaît

Un rapport récent de scientifiques canadiens a averti que d’ici 2050, la plupart des régions marines de l’Arctique canadien seraient exemptes de glace de mer pendant l’été et que la plupart des petites calottes glaciaires et des plateaux de glace de l’Arctique canadien disparaîtront d’ici 2100 — même si des mesures de réduction des émissions sont mises en place.

M. Obed espère donc que les partis politiques ne se contenteront pas de se chamailler sur les avantages d’une taxe carbone lorsqu’ils débattront de la politique climatique au cours de la campagne, mais qu’ils examineront plus largement les effets « dramatiques » réels des changements climatiques sur les communautés du Nord. « Se concentrer sur un ou deux éléments d’une politique de lutte contre les changements climatiques occulte parfois la situation dans son ensemble », a-t-il estimé.

La directrice générale par intérim de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP), Alison Ronson, s’est réjouie de l’annonce « sans précédent » de jeudi. « À titre de signataire de la Convention sur la diversité biologique de l’ONU, le Canada s’est engagé à protéger 10 % de son territoire côtier et marin d’ici 2020. Cet objectif a aujourd’hui été dépassé », a souligné Mme Ronson.

« Il s’agit d’un grand pas en avant dans les efforts visant à protéger la biodiversité exceptionnelle du Canada, un objectif qui, selon les scientifiques, nécessitera la protection d’au moins 30 % des écosystèmes marins d’ici 2030 […] une cible non seulement réalisable, mais également presque à moitié atteinte. »

M. Trudeau devait assister plus tard jeudi à l’assemblée d’investiture de la seule candidate en lice pour représenter les libéraux au Nunavut. Megan Pizzo Lyall, une ancienne membre du conseil d’Iqaluit, qui réside maintenant à Rankin Inlet, devait être élue sans opposition, selon le site internet du Parti libéral.

Le siège a été occupé par l’ancien ministre libéral Hunter Tootoo, devenu député indépendant, qui a annoncé plus tôt cette semaine qu’il ne se représenterait pas. Mme Pizzo Lyall affrontera la candidate conservatrice Leona Aglukkaq, députée du Nunavut de 2008 à 2015 et ministre dans le cabinet de Stephen Harper.