Les autorités canadiennes se défendent de ne pas s’être adaptées assez rapidement à la trajectoire de migration des baleines noires, une espèce en danger, dans le golfe du Saint-Laurent cette année.

La mort d’une sixième baleine noire de l’Atlantique Nord dans les eaux canadiennes cette année a été signalée, jeudi, par Pêches et Océans Canada.

Un vol de surveillance a permis d’apercevoir la carcasse à la dérive au large de la Gaspésie. Le ministère a dit évaluer diverses options pour la récupération et pour la nécropsie.

Le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, a annoncé mercredi soir une « mesure préventive d’urgence » qui fixe immédiatement une limitation temporaire de vitesse de 10 nœuds pour les navires de 20 mètres ou plus circulant dans deux couloirs de navigation désignés, au nord et au sud de l’île d’Anticosti.

La vitesse était déjà limitée à 10 nœuds ailleurs dans le golfe du Saint-Laurent à la suite d’une série de mesures annoncées au mois d’avril.

En entrevue avec La Presse canadienne, Laurie Murison, directrice générale du Centre de recherche sur la vie marine de Grand Manan, au Nouveau-Brunswick, dit que les limitations de vitesse des navires et autres mesures actuellement en vigueur auraient dû être mises en place par Ottawa beaucoup plus tôt, au tout début de la saison.

Les résultats préliminaires d’une nécropsie effectuée sur Punctuation, la deuxième baleine noire femelle retrouvée morte récemment, « sont compatibles avec une mort causée par un traumatisme aigu, ce qui correspond à une collision avec un navire », a indiqué Pêches et Océans Canada mercredi. Cette baleine noire avait été observée pour la première fois à la dérive dans le golfe du Saint-Laurent au nord-est des Îles-de-la-Madeleine.

Les autres autopsies menées sur les autres carcasses n’ont soit pas encore eu lieu ou n’ont pas été concluantes. La quatrième baleine retrouvée morte est dans un état de décomposition avancée, donc il pourrait être impossible de déterminer les causes exactes de son décès.

Il serait donc trop tôt pour tirer des conclusions ou pour « spéculer » sur la mort de l’ensemble des baleines, soutient Adam Burns, directeur général de la gestion des ressources halieutiques de Pêches et Océans Canada.

Sa collègue Isabelle Elliot, qui agit comme agente régionale, soutient plutôt que le gouvernement a pris une « approche proactive » pour tenter d’éviter des morts additionnelles de baleines. L’année 2017 avait été catastrophique, avec la mort au total de 12 baleines noires dans le golfe du Saint-Laurent.

Des fermetures de zones de pêche et une limite de vitesse pour les navires avaient été mises en place en 2018, si bien qu’aucun décès n’avait été constaté chez les baleines noires. Mais les nombreuses restrictions avaient soulevé l’ire des pêcheurs et de l’industrie touristique, entre autres.

C’est pourquoi Transports Canada avait prévu des zones de « navigation dynamiques » — dans des couloirs de navigation au nord et au sud de l’île d’Anticosti — qui auraient pu être fermées pour deux semaines si des baleines avaient été observées dans le secteur.

Après la confirmation de la mort d’une cinquième baleine, le gouvernement a décidé de restreindre la vitesse des navires de plus de 20 mètres à 10 nœuds dans ces zones navigables dans l’ouest du golfe du Saint-Laurent jusqu’au 15 novembre de cette année.

Les contrevenants s’exposent à une amende pouvant atteindre 25 000 $. Aucune amende n’a été donnée cette année jusqu’à présent, mais Transports Canada compte augmenter la surveillance dans les eaux visées par l’interdiction.

Mme Murison s’est dite satisfaite des mesures d’atténuation prises mercredi. « La réduction de la vitesse est une bonne chose et nous espérons que cela évitera d’autres décès », a-t-elle déclaré.

Mais elle soutient que pour tenter de protéger une population en voie d’extinction, on doit agir rapidement et ne pas présumer que les mesures de l’année dernière fonctionneront cette année.

« Ils réagissent maintenant, mais c’est quelque chose qui doit être en place au début de chaque saison, soutient la spécialiste. Vous devez regarder ce qui se passe et quelle est la distribution » des baleines. Or, selon Mme Murison, il était clair, d’après les vols de surveillance au-dessus du golfe du Saint-Laurent, que les baleines voyageaient plus à l’est cette année qu’au cours des deux dernières années.

« Les baleines vont là où se trouvent les meilleures ressources alimentaires. Cela peut varier d’une année à l’autre et nous n’avons pas de base de données à long terme sur les baleines noires du Golfe », a-t-elle expliqué jeudi en entrevue.

Des fonctionnaires fédéraux ont reconnu, lors d’une séance d’information technique pour les médias, que la baisse marquée du plancton dans la baie de Fundy ces dernières années coïncide avec la migration des baleines vers le golfe du Saint-Laurent, où l’on retrouve des copépodes en abondance.

On estime qu’il ne reste qu’environ 410 baleines noires de l’Atlantique Nord, mais Mme Murison croit que ce nombre est plutôt inférieur à 400 car il en meurt chaque année dont les carcasses ne sont jamais retrouvées. « Si la tendance se maintient, on prédit une extinction non pas à long terme, mais plutôt à court terme », a-t-elle soutenu jeudi.