Chaque semaine, c’est la même chose. Je regarde le bac de recyclage et je pousse un long soupir. Comment fait-on pour le remplir aussi rapidement ?

Je viens de regarder le bac, justement, et il contient encore toutes sortes de trucs qui ne devraient pas être là. Des lettres inutiles, des petits pots de yaourt en plastique, un contenant de mozzarella, un emballage de tofu en plastique aussi. Il y a en plus la pellicule plastique qui entourait le plant de basilic que j’ai acheté pour manger avec ladite mozzarella, en attendant que le mien pousse.

Avant que je le vide dimanche soir, le contenant était rempli des emballages de nouvelles poignées de porte que je devais installer pour remplacer de vieux modèles irréparables.

Avant tout chose, j’aimerais préciser que j’en ai acheté toute une série, récupérées, antiques (oh ! que je me trouvais écolo) chez Éco Réno, un marchand spécialisé de matériaux de construction récupérés où je suis allée en voiture (pas écolo du tout). Mais ça m’en prenait aussi des neuves chez le quincailler. Et il y avait beaucoup de plastique autour de tout ça. Vous savez, les emballages impossibles à ouvrir où il faut presque une scie électrique ? Ceux-là.

Si je vous raconte la vie intime de mon bac de recyclage, c’est pour dire, finalement, qu’il n’y a pas de fourchettes en plastique dans ce gros panier. Ni de pailles. Il n’y a même pas de bouteilles d’eau.

Mais des emballages ?

Ça, oui. Ça, il y en a.

Même si je réussis maintenant à acheter du lait – La Pinte — et du yaourt – Fromagerie de la Nouvelle France et Verte Vallée — dans des contenants consignés, pour le reste, pour tout acheter zéro déchet, zéro plastique, je n’y arrive pas.

J’aimerais être comme ces clients chez Loco que j’ai croisés hier en allant reporter mes pots de yaourt (en auto, pas écolo, mais il n’y a pas d’épicerie qui reprend les pots près de chez moi et je ne vais pas y aller en métro avec la grosse boîte lourde, fait que…), mais souvent, j’ai l’impression qu’être vraiment bien écolo, conséquent, cohérent, au quotidien, c’est presque une vocation.

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Pourquoi parler de la difficulté d’être sans plastique et éco-tout au quotidien ?

Parce que, hier, le premier ministre du Canada a annoncé que d’ici 2021, plusieurs objets de plastique à usage unique seraient interdits au pays. 

Le communiqué diffusé pour l’occasion met ceci sur la liste des produits visés : « sacs de plastique, pailles, ustensiles, assiettes et bâtonnets à mélanger ».

Évidemment, ce n’est pas une mauvaise idée.

C’est tellement fou que tous ces plastiques soient encore utilisés pour être jetés à peu près directement.

Les interdire devrait aller de soi, tellement c’est aberrant.

Êtes-vous encore capable de boire du café dans un gobelet en polystyrène sans broncher ? Sérieux ?

Bref, c’est une excellente annonce.

Mais c’est tellement peu.

Tellement juste un début.

Le gouvernement donne pourtant lui-même des statistiques effarantes. « Moins de 10 % du plastique utilisé au Canada est recyclé. »

Si la tendance se maintient, en 2030, on jettera pour 11 milliards de dollars de plastique chaque année. Actuellement, « les Canadiens jettent plus de 3 millions de tonnes de déchets plastiques. Cela représente une perte de valeur pouvant atteindre 8 milliards de dollars par année et constitue un important gaspillage de ressources et d’énergie. »

Les pailles et les fourchettes et les sacs, ça devrait être déjà réglé.

Ce sont les emballages dont il faut parler.

Les épiceries, les quincailleries, les grandes surfaces, les grands commerces à la Jean Coutu, les magasins d’électronique, sont absolument remplis de plastique.

Par où commencer pour dire aux manufacturiers de changer leur façon d’emballer ?

Par où commencer pour dire aux gouvernements d’ajuster leurs normes parce que 12 couches de ceci ou cela pour protéger des microbes, c’est peut-être génial contre lesdits microbes, mais pas super pour les baleines et les tortues et ce balbuzard que j’ai aperçu dans un parc au Mexique, perché fièrement sur son solide nid, construit d’une bouteille de plastique qui devait avoir été, jadis, contenant d’eau de Javel.

On protège qui et on décontamine quoi, au chlore, dans ce temps-là ?

Hier, le premier ministre s’est engagé à « adopter d’autres mesures pour réduire la pollution issue des produits et emballages en plastique ».

Parce qu’« environ le tiers des plastiques utilisés au Canada consistent en produits et en emballages à usage unique ou à courte durée de vie ».

« Au, Canada, jusqu’à 15 milliards de sacs de plastique sont utilisés chaque année, et près de 57 millions de pailles sont utilisées quotidiennement. »

Ces chiffres sont impressionnants. Mais peut-on aussi avoir des statistiques pour les enveloppes de fromage Kraft, les sacs de chips, les pellicules pour les viandes, fruits et légumes — et leurs barquettes de polystyrène —, nos bouteilles de shampooing, de lessive ? Même notre dentifrice vient en tube de plastique.

On va faire quoi avec tout ça ?

Les pailles et les fourchettes de plastique et les bouteilles d’eau vides frappent l’imagination parce que ce sont des produits utilisés dans des endroits publics et donc plus susceptibles de se retrouver dans la nature. On a plus de chances de tomber sur une bouteille de Pepsi vide, sur une plage, que sur un emballage d’essuie-tout, disons.

Mais la pollution est aussi, beaucoup, immensément à la maison. Dans nos poubelles.

Peut-on en parler aussi, de ça, rapidement, Monsieur le Premier Ministre ?