(Québec) Des partis d’opposition à Québec remettent en question le travail de l’organisme fédéral responsable de l’homologation des pesticides.

L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) comparaissait mardi au premier jour de la commission parlementaire relative à l’impact des pesticides sur la santé publique et l’environnement.

Des députés du Parti libéral (PLQ) et du Parti québécois (PQ) ont déploré que l’ARLA s’en remette aux études fournies par l’industrie sur ses propres produits. Le ministère québécois de l’Environnement a dit pour sa part se préoccuper « du devenir de ces produits dans l’environnement ». Il a relevé que 15 agronomes qui avaient complété un nombre important de justifications de traitement à l’atrazine étaient reliés à l’industrie des pesticides.

Rappelons que cette commission parlementaire fait suite à l’affaire Louis Robert, cet agronome qui avait dénoncé publiquement l’influence indue de l’industrie dans la recherche, avant d’être congédié par le ministère de l’Agriculture. Cette controverse a déclenché un débat national sur les pesticides et sur la protection des lanceurs d’alerte.

Pesticides interdits

En mêlée de presse, la porte-parole du PLQ en matière d’agriculture, Marie Montpetit, a rappelé que l’ARLA avait été « beaucoup critiquée » parce qu’elle fondait ses homologations sur l’industrie plutôt que sur la recherche indépendante.

« Il y a des pesticides qui ont été interdits ou restreints en Europe et qui sont toujours permis au Canada, a-t-elle affirmé en commission. Il y a un déphasage de l’ARLA par rapport aux provinces et par rapport à l’Europe », concernant le recours encore autorisé ici de pesticides controversés, les néonicotinoïdes, qui ont notamment affecté les populations d’abeilles.

Le directeur de la gestion des réévaluations de l’ARLA, Frédéric Bissonnette, a affirmé qu’il s’agissait de « cas par cas », de protocoles qui ne sont pas les mêmes.

« Je pense qu’on prend des décisions avant eux parfois, mais vous n’en entendez pas parler », a-t-il dit.

Études

Pour sa part, le député péquiste Sylvain Roy exige que l’homologation des produits par l’ARLA se fasse en toute transparence.

« L’organisme fédéral donnerait le soin à l’industrie de fournir des études scientifiques pour homologuer les produits sans contre-vérification par des chercheurs indépendants. C’est extrêmement inquiétant. »

Oui, la majorité des études provient de l’industrie, a confirmé M. Bissonnette. Si une étude n’était pas disponible dans la littérature scientifique, l’organisme prend l’étude de l’industrie. Il a précisé que l’ARLA n’avait pas un mandat de recherche.

Sur 125 références scientifiques, 118 sont issues de l’industrie et ne sont pas accessibles aux chercheurs, à moins de se rendre dans la salle de lecture de l’ARLA à Ottawa, en raison des règles de protection des secrets industriels, a déploré M. Roy.

« Les études sont disponibles, mais pas dans le domaine public, les gens doivent venir dans la salle de lecture », a répondu M. Bissonnette.

Qui plus est, a déploré le député souverainiste, le Québec se fie sur le fédéral en cette matière, donc c’est un enjeu de compétence Québec-Ottawa.

Dans son exposé, le ministère de l’Environnement a rappelé les données alarmantes révélées en février sur l’omniprésence des pesticides dans les cours d’eau à proximité de zones de culture intensive. Il a également confirmé la hausse de mortalité des abeilles liée à l’usage des néonicotinoïdes.

Surprescription

Une quinzaine d’agronomes ont fait une « quantité importante de justifications de prescriptions » d’un pesticide controversé, l’atrazine, a relevé le Ministère.

Selon « l’information fournie par l’Ordre (des agronomes), ils auraient des liens avec un distributeur, un vendeur ou un producteur », a indiqué le sous-ministre, Marc Croteau.

Pas moins de 4100 tonnes d’« ingrédients actifs » de pesticides ont été consommées au Québec en 2017, selon les plus récentes données, qui montrent une tendance à la baisse sur trois ans.